Georges Contogeorgis
Identité nationale, identité ‘politéienne’ et citoyenneté à l'époque de la ‘mondialisation’
Universidade de Panteion, Atenas
Le débat sur la ‘mondialisation’ s'annonce sans doute long, d'autant plus qu'il est défini comme un phénomène inédit dont les dimensions ne peuvent être saisies à travers l'expérience historique. Sans vouloir aller au fond de cette discussion, il importe de préciser qu’une optique différenciée sur la nature de ce phénomène et essentiellement une démarche comparative d’ordre diachronique n’est pas sans écho quant à l'approche des concepts particuliers tels que le concept identitaire et celui de la citoyenneté .
1. Qu’en est-il donc de la ‘mondialisation’? S'agit-il d’un processus imposé par l'unique puissance mondiale, les États-Unis d'Amérique, d'un retour à la déterminante religieuse du devenir historique, ou bien d'une évolution globale conditionnée par la logique qui régit la nature du cosmosystème moderne ?
L'option pour la première hypothèse laisse entendre que la ‘mondialisation’ est un processus qui sert la volonté de puissance des Américains, leur intention d'imposer leur hégémonie unidimensionnelle dans le monde. C'est donc le résultat occasionnel du rapport de forces, voire une évolution forcée qui, de par sa nature, n'est ni nécessaire pour le progrès des sociétés contemporaines ni inévitable.
Les assises religieuses de la ‘mondialisation’ ont été au début un argument mis en avant par une partie de l'intelligentsia anglo-saxonne après l'effondrement du camp socialiste. Il a été rapidement adopté par la science politique apparentée et, chose qui ne nous surprend pas, il a été intériorisé par les pays concernés, essentiellement les pays à dominance islamique .
Cette approche de la ‘mondialisation’ suggère le déplacement des offres identitaires issues de la question sociale, nationale ou ethnique, et le retour à des regroupements plus larges, fondés sur la religion. La religion est ainsi élevée au rang de cause, de force motrice de l'évolution. D'élément identitaire, elle devient catalyseur d'une certaine philosophie de l'histoire.
Dans le premier cas, la ‘mondialisation’ s'identifie à l'américanisation, qui se traduit par un processus de réduction notoire du pouvoir de l’État nation, y compris de la liberté nationale, et d'homogénéisation culturelle du monde. Cette homogénéisation ‘à l’américaine’ doit donc être attribuée à la puissance des Américains et non pas à leur poids sur l’avancement du cosmos moderne.
Dans le second cas, la ‘mondialisation’ est symbolisée, dans les circonstances actuelles, par la confrontation entre le christianisme et l'islam, le christianisme étant identifié à l'Occident ou, selon un point de vue plus adéquat, à la civilisation issue du continent européen.
Pourtant, concevoir l'Europe, y compris l'Occident, en termes religieux, c'est admettre que l'essence de la civilisation européenne, c'est le christianisme. Il ne s'agit pas de nier la place fondamentale de la religion chrétienne et, au-delà, de l'identité chrétienne dans l'histoire des peuples de l'Europe, mais de souligner que les bases constitutives de la modernité ne sont pas métaphysiques . En effet, qui peut refuser d’admettre que la nature du monde moderne est anthropocentrique et que, donc, sa finalité est orientée vers la vie sur terre ?
Quoi qu'il en soit, l'argument religieux concède que la différence entre le monde chrétien et l’islam n’est pas si grande qu’elle en a l’air au vu de leurs divergences anthropocentriques, ou que le prétendent les tenants du «choc des civilisations» (religieuses). Ces deux religions ne s’opposent que dans les détails, étant donné que du point de vue cosmothéorique, elles sont toutes deux inhérentes au despotisme oriental ou asiatique .
L'adoption de l'une ou de l'autre hypothèse concernant la ‘mondialisation’ nous invite à reconsidérer nos priorités identitaires : nous définir aussi comme des Américains (‘nous sommes tous des Américains’) ou réserver à la religion une place de premier rang dans la formation de notre conscience. Les points de vue ne sont pas contradictoires, mais présument tout deux que les ‘patriotismes’ issus de la modernité ne sont plus suffisants, qu'ils doivent aussi prendre en compte les nouvelles offres identitaires surgies de la ‘mondialisation’.
Du même coup, à nous incliner devant des considérations de force ou de despotisme, nous risquons de nous faire piéger au même titre que le ‘Tiers Monde’, à savoir les pays de la ‘périphérie’ cosmosystémique : de rejeter les effets positifs de la ‘mondialisation’ et surtout de manquer l'essence de l'évolution qu’annonce le passage au IIIe millénaire.
Faute de vouloir admettre cette problématique plutôt apologétique, nous nous proposons de nous situer vis-à-vis de la ‘mondialisation’ en fonction de sa propre nature. En ce sens, nous considérons que ce phénomène reflète une phase de transition du cosmosystème moderne, dont les caractéristiques fondamentales sont les suivantes :
a) parachèvement de la phase de construction de la société anthropocentrique dans l'État. Cette phase se reconnaît à l’uniformisation, du point de vue anthropocentrique, des sociétés étatiques ainsi qu’à l'effondrement du despotisme au niveau planétaire. Ce qui est nouveau dans le monde moderne, c'est que la planète entière est devenue cosmosystémiquement homogène, à savoir que la ‘périphérie’ du cosmosystème en place participe, elle aussi, à l'anthropocentrisme. Les clivages jadis inter-cosmosystémiques sont devenus intra-cosmosystémiques.
b) ouverture d'un processus d’émancipation des paramètres anthropocentriques vis-à-vis de l'État et développement de ceux-ci au niveau du cosmosystème global. L'État, autrefois foyer et protecteur de l'économie chrématistique, de la communication, de la dynamique sociale et politique, etc., devient un obstacle majeur. En même temps, le cadre réglementaire cosmosystémique, cristallisé par le rapport de forces issu des États souverains, se voit débordé à la suite des clivages produits par les nouveaux acteurs, surtout économiques, qui déterminent largement la dynamique internationale. Les relations politiques interétatiques se définissent de plus en plus en termes de puissance pure et, en tant que telles, s’intériorisent dans l'État.
De ce point de vue, on comprend aisément la résistance des forces ou des sociétés défavorisées devant la ‘mondialisation’. L'État redevient à leurs yeux un foyer politéien précieux pour la protection des identités traditionnelles (culturelles, religieuses, etc.), bien qu'habituellement hostile aux libertés anthropocentriques. Pourtant, ce qu’il faut retenir, c’est que la ‘mondialisation’ n’est pas un événement partiel, attribué essentiellement à l’économie ; elle exprime un processus global inhérent au devenir du cosmosystème moderne dans son ensemble. C’est bien cette dimension qui nourrit d’une signification exceptionnelle les changements des concepts que nous étudions ici.
En effet, les conséquences de cette transition d’un anthropocentrisme primaire, conçu comme une affaire exclusive de l’État, à un anthropocentrisme ouvert à la dynamique cosmosystémique, se font entendre, entre autres, sur quatre niveaux fondamentaux : identitaire, étatique, politique et communicationnel. Ils ont tous quatre des implications sur la citoyenneté, tant à l'intérieur de l'État que dans l'espace européen commun. L’Europe est en ce sens un laboratoire précieux, du fait qu’elle constitue l’avant-garde expérimentale supra-étatique, une sorte de ‘mondialisation’ méta-statocentrique.
On pourrait même dire que de ce point de vue, l’Europe se trouve face à la modernité, avec laquelle elle a été identifiée. Cette modernité, fondée sur l'État et la nation, deux idées apparemment inséparables, est invitée à redéfinir en vue de construire sa nouvelle cohésion identitaire et son système politique. Sur quelle base sera alors établie la nouvelle patrie, quel système politique effectuera la synthèse des espaces publics nationaux, quelle finalité politique peut servir le nouvel État si la nation n’est plus suffisamment opérationnelle ?
D'autre part, si nous admettons que l'identité européenne sera inévitablement politéienne, la synthèse politique n’a pas le choix d’osciller entre une approche de la politique interne en termes de puissance et son établissement sur un cadre de pouvoir réglementaire. C'est pourquoi, croyons-nous, si l’idée de l'axe franco-allemand a pu faire se mouvoir l’Europe en ses premiers temps, elle ne saurait constituer la base de sa transition en système politique de l'Union. De même que son identité, le système politique d'une Union européenne solide se fera nécessairement sous l'angle d'un espace politéien global, à savoir social, culturel et politique à la fois.
Pour comprendre cette remarque concernant l'Europe, il faut se rappeler le rôle central du concept de nation dans la période de transition du despotisme à l’anthropocentrisme. En effet, comme référence identitaire, par excellence, de la société globale et comme but de l’État, ce concept fut opposé au pouvoir despotique du monarque absolu. Il servit donc d'argument de rechange, en l'absence d'une société de citoyens politiquement présente. Cette nation sera ainsi identifiée à l'État au sens où c'est elle qui détermine son essence. L'État, à son tour, ayant forgé la nation, c’est lui qui réalise ses attentes, qui la défend, qui fait en somme son histoire.
Au fur et à mesure que nation et État s'articulent en une intime unité, ils procèdent à une division interne des symbolismes : la nation, ou en d’autres termes l’ethnie politiquement constituée, offre l’unique identité culturelle et sociale, et l'État devient l’unique possesseur de la politique. À partir de là, les particularités ethniques dans l'État n’ont pas de place politique, voire même, tout projet de définition politique de leur statut est incriminé. Nation dominante et État se retrouvent dans leur intérêt commun de se confirmer à travers l'idée d'homogénéité, qui exclut le pluralisme culturel et politéien. L' ‘autre’ n’a plus qu'à choisir entre l'intégration ou, en cas de résistance, la répression et souvent l'épuration ethnique.
La souveraineté politique demande, de son côté, la mise en place d'un système politique à pouvoir dominant et, à bien des égards, unifié au niveau de l'État. Le principe de la nation unique incarnée par l'État souverain confirme l'unicité de l'espace public qui, de plus, s’identifie à l’État nation, la consécration de la langue nationale en langue unique de l'État, etc. Il est alors évident que l'État moderne a succédé au monarque absolu comme propriétaire de la politique. C'est pourquoi il est le système politique, l'espace public et, au-delà, le porte-parole authentique de la nation, d'une finalité politique qui permet au pouvoir politique de traduire son propre intérêt en intérêt général. Ainsi l'État, foyer de la nation, est-il en même temps le foyer de la citoyenneté. La citoyenneté est inconcevable en dehors de l'État, et il n'y a qu'une seule forme de citoyenneté dans l'État . La souveraineté politique prévaut là où la société est anthropocentriquement primaire – et alors politiquement sous-développée –, n’étant pas apte à assurer le rôle d’un corps politiquement constitué.
2. La fin de la souveraineté politique de l'État annonce aussi celle de l'uniformité politique et identitaire de la société. En effet, l'autonomisation des paramètres du cosmosystème vis-à-vis de l'État ne réduit pas seulement son autorité; elle fait en sorte que les particularités ethniques, culturelles ou locales, opprimées par l'appareil du pouvoir, cherchent à combler le vide politique et manifestent désormais leur propre identité, voire même l’affirment politiquement.
Cette nouvelle dynamique identitaire qui, d'un autre point de vue, peut être conçue comme l’aboutissement d'une certaine maturité anthropocentrique du cosmosystème moderne, est suivie d’un mouvement émancipateur au niveau politique. Il s'agit d'une mutation de taille, qui vise à la ‘démassification’ du comportement politique de l'individu . La politisation devient ainsi plutôt individualiste, au sens où elle s’éloigne de la logique de l’attachement militant aux forces intermédiaires et se calcule en termes de temps réel consacré par le citoyen à la politique .
D'une manière générale, on peut présumer que ladite ‘mondialisation’ laisse entendre que les données de la construction anthropocentrique à l'intérieur de l'État se reproduisent pendant cette nouvelle phase sur l'ensemble du cosmosystème. Ce qui change, c'est l'espace. L'espace vital, sinon unique, de la période proto-anthropocentrique, c’est l’État. Maintenant, l'espace de la dynamique anthropocentrique couvre, à bien des égards, l'espace vital, y compris la ‘périphérie’, du cosmosystème. Cette dynamique tend à intégrer les sociétés de l'État dans le devenir planétaire qui est désormais l’espace du cosmosystème anthropocentrique global. Or, si l'on met à la place de la ‘périphérie’ étatique la ‘périphérique’ cosmosystémique, on s'aperçoit que son effondrement produira des mouvements analogues à ceux de l'État moderne.
En somme, malgré ce que l'on croit, ce ne sera pas le capital qui ira à la ‘périphérie’ : ce sera le travail qui ira vers le ‘centre’ cosmosystémique. En d'autres termes, la question sociale ne cherche pas à se résoudre dans le pays où elle naît, mais par le transfert de populations entières au ‘centre’. Ainsi, comme dans l'État de la phase transitoire, la question sociale de la ‘périphérie’ s’intériorise-t-elle au niveau du ‘centre’, elle devient un problème politique du cosmosystème global.
Les remarques ci-dessus nous amènent à constater que les fondements du monde moderne – la nation et l'État souverains – ne sont plus incontestables. Les anciens groupes ethniques, culturels ou locaux, reprennent le projet politique de la nation dominante et rencontrent, d’un autre point de vue, les nouvelles identités issues de l'immigration économique. Mais à la différence des anciens groupes, les nouveaux venus ont pour objectif immédiat la solution de la question sociale dans son expression la plus élémentaire.
En tout état de cause, la nation ne suffit plus comme fondement identitaire de la société globale ; elle n’a même pas l’appui de l'État pour imposer l'uniformité culturelle en politique ou du moins l’attachement de la société au système politique central.
Quelle identité servira donc à soutenir un nouveau patriotisme global ? Pour quelle raison les habitants d'un pays choisissent-il à la fois de vivre dans celui-ci et de se battre pour sa survie ? Quel sera l'idée qui créera un consensus global ?
Il est entendu que cette nouvelle identité totalisante doit répondre aux attentes de la phase anthropocentrique qui s'ouvre devant nous. Nous avons vu que la nation fut la référence identitaire par excellence à une époque où le projet de société était centré sur sa constitution en termes anthropocentriques élémentaires. Dans une société anthropocentriquement constituée, le terrain sur lequel se reconnaissent ses membres ne peut que confirmer leurs acquis : leur mode de vie, les libertés et le droit, le système de valeurs, le système politique à référence représentative, etc.
En d'autres termes, la nouvelle identité globale, celle qui détermine l'appartenance à la société, c'est plutôt l’identité politéienne. La politéia est entendue ici comme le concept qui détermine à la fois la nature du social et du politique, le système qui définit une société politiquement constituée. Nous avons étudié ce concept identitaire dès 1975 , pour montrer la différence profonde dans la construction de la société globale de la cité État par rapport à la société ethnocentrique moderne. Ce concept, repris en 1992 , est à comparer avec l'idée du patriotisme ‘constitutionnel’ européen, vantée par J. Habermas, qui nous paraît limitée et à bien des égards déformante de la phase cosmosystémique qui s’ouvre avec la dite ‘mondialisation’.
Le patriotisme politéien est déjà manifeste au niveau européen mais il devient de plus en plus présent dans les États membres au fur et à mesure que l'idée nationale s'affaiblit. Cet affaiblissement du patriotisme national tient, comme nous l'avons vu, à la pluralité culturelle (ethnique, etc.) des sociétés étatiques. Mais, nous allons le voir, il touche aussi à la nature du système politique, du fait que le corps social, élevé dans un environnement de patriotisme politique, admet de moins en moins une finalité politique qui ne soit pas directement liée à son intérêt, voire à sa volonté.
Avant de procéder au déchiffrement de ce phénomène, il faut noter que le patriotisme politéien ne promet pas un consensus général. Il se traduit pratiquement en un patriotisme ‘partisan’, au sens où l'idée de politéia ne fait pas l'unanimité dans son ensemble. Il y a pourtant un minimum d'éléments constitutifs qui forment le ‘corpus imaginaire de légitimité’ dans lequel sont inclus essentiellement un espace de liberté élargie et, au-delà, un système de dégagement des clivages et d’articulation des divergences. Le patriotisme national se fonde sur la contrainte homogénéisante et sur l'intégration au fait souverain. Le patriotisme politéien, en revanche, cherche l’adhésion, le consensus et surtout la synthèse individualiste de la volonté globale, qui inclut la constitution autonomique du social.
Nous présumons que cette nouvelle phase cosmosystémique introduit, en premier lieu, un changement de nature quant au fait identitaire. L’identité politéienne ne supprime pas l'identité nationale : elle l'intègre dans un contexte de pluralité culturelle qu'elle fait surgir et dont elle garantit l'expression. Ensuite, ce pluralisme culturel est à l'origine d'un pluralisme politéien. Il est dans la nature du social que tout groupe relativement émancipé cherche à s'intégrer à la dynamique dominante, qui est en l'occurrence l'affirmation politique du différend culturel. En termes généraux, la formation politéienne globale –l'État – n'est pas en principe menacée ; mais sa forme change graduellement. Elle s'articule comme la composante des politéiai particulières et, en tout état de cause, condense le dénominateur commun de la pluralité des sphères publiques ou bien de leur apport à la synthèse de la volonté globale du public.
L'affirmation pluraliste de la société, du point de vue culturel et politéien, fait que l'individu partage plusieurs identités qui se rattachent à ses origines culturelles et à ses options politiques. C'est en vertu de ces deux offres identitaires que la citoyenneté se structure sur plusieurs niveaux : on est citoyen de la ou des formations politéiennes particulières auxquelles on appartient, tout autant que du système global.
Enfin, il est à rappeler que le recul du fait national n'est pas toujours dû au réveil du pluralisme culturel. On pourrait même dire que ce réveil est le résultat de l'émancipation socio-politique de la société, qui s'inscrit dans le cadre de la mutation cosmosystémique citée plus haut. Nous voulons préciser par là que l’atténuation de la dimension politique de la nation va de pair avec l'avènement de la conscience et, à terme, de l'identité politique de l’individu. L’attachement de celui-ci aux valeurs issues de la liberté et des droits socio-politiques est à l’origine d'une reconsidération profonde de ses priorités fondamentales. Le patriotisme politéien fait que l'individu, même d’une société ethniquement homogène, réfléchit de moins en moins en tant que national et de plus en plus en tant qu’animal politique.
3. Les implications de ce changement de priorités sur la nature de la citoyenneté sont déterminantes, du fait qu’elles sont liées aux fondements de l'État et essentiellement du système politique en place.
D'abord, on parvient à une redéfinition notable de la finalité politique. Des concepts comme la ‘nation’, le ‘public’ (ou l'État) ou ‘l'intérêt général’ n’apparaissent plus si clairs, voire opérationnels, et de ce fait, ils ne peuvent servir les nouvelles priorités de la société. On irait même plus loin en disant que, bien que ces concepts soient évoqués, la question de savoir qui est responsable pour définir leur contenu et les politiques inhérentes à l’intérêt social n'amène pas à concéder un rôle de maître authentique à l'État.
C'est bien ce changement profond dans l'approche de la relation entre le social et le politique qui vient s'ajouter au changement de structure dans la citoyenneté. Nous avons déjà remarqué que le changement dans la structure de la citoyenneté ne se traduit pas par un changement de sa propre nature. Sa structure plurielle ne change pas la logique ni, qui plus est, le contenu de la citoyenneté. L'individu continue d'être un ‘citoyen d’État’. Qu'il agisse dans le cadre de sa région, de sa municipalité, de son groupe culturel, etc., son statut politéien, ses fonctions, à savoir ses relations avec le processus politique, reproduisent la forme issue de l'État centralisé et unitaire précédent. Le citoyen définit essentiellement un fait d’appartenance ; il n’est donc pas reconnu comme membre du système politique.
Pour que cette forme de citoyenneté soit bien comprise, il importe de préciser que la définition du système politique moderne comme démocratique décrit au fond un système politique qui n'est même pas représentatif. En effet, le principe représentatif exige la rencontre de ses éléments fondateurs : le représentant ou mandataire et le représenté ou mandant. Dans le système politique de la modernité, ces deux fonctions du principe représentatif appartiennent littéralement à l'État. Le citoyen n'a pas la qualité de représenté, et c'est pourquoi il n’assume pas ses fonctions. Son vote – la seule compétence politique qui lui soit conférée – n’a pour but que de légitimer le personnel politique destiné à gérer le pouvoir politique de l'État.
Le manque d'assises représentatives du système est resté jusqu'à présent à l'abri de toute discussion . On a pourtant essayé de faire face aux effets collatéraux tantôt par des arrangements institutionnels (par exemple, la distinction des pouvoirs de l'État), tantôt par l'adjonction aux forces politiques intermédiaires d'un deuxième niveau de médiation, qui a été rendu par l'idée de ‘société civile’.
Durant la période de la proto-construction anthropocentrique, le manque de représentativité institutionnelle du système sera compensé par la fonction ‘représentative’ de fait de l'idéologie partisane (libérale ou socialiste) qui liait les couches sociales aux forces politiques. L'attachement de la classe politique à la cause sociale assurait au militantisme politique la légitimité de son action médiatrice et, au-delà, la légitimité du pouvoir souverain de l'État.
À l'opposé de cette représentation inférée, l'idée de ‘société civile’ revendique pour elle la fonction représentative. Le concept de société globale ne joue pas réellement dans sa propre problématique concernant la relation entre le social et le politique. La fonction représentative se réduit au fait de l'articulation du devenir politique issu du rapport des forces intermédiaires avec le pouvoir de l'État.
Sans vouloir aller au fond des conséquences de cette démarche, rappelons seulement que, comme le pouvoir de l'État, le projet de ‘société civile’ est guidé par la logique générale qui écarte le corps social du système politique. Le concept même de ‘société civile’ réserve à ses éléments constitutifs une place non pas dans le système mais, tout juste, à sa lisière. Ils sont admis à intervenir auprès des tenants du pouvoir, ils ne font pas partie du pouvoir. Les ‘forces’ intermédiaires exercent – comme leur nom l’indique clairement – une fonction de ‘force’, et plus précisément de ‘pression’, non de ‘pouvoir’. La distinction entre ‘force’ et ‘pouvoir’ est fondamentale, bien qu'elle soit ignorée par la modernité .
Le passage de la représentation inférée à la représentation effective, voire à la pleine représentation, est ou peut être le premier pas d'une transformation de nature de la citoyenneté. Nous avons vu que la citoyenneté d'État désigne un fait d'appartenance de l'individu libre – qui jouit de la liberté individuelle – à un système social et politique qui lui échappe, étant attaché soit à l’économie privée soit à l'État à titre de propriété. Le lien politique, le lien qui oblige l'État vis-à-vis du citoyen, est la ‘solidarité’, le principe social que le pouvoir politique est invité à réaliser dans le cadre de la société globale. Or, la ‘solidarité’ ne fait pas du citoyen un ‘ayant droit’ de la finalité politique .
La citoyenneté politéienne, en revanche, introduite par le système représentatif, transforme le citoyen en partenaire du système global qu'incarne l'État. On est encore loin de la citoyenneté démocratique qui, assise sur la liberté sociale et politique, consiste à supprimer la division du travail social et politique, c'est-à-dire la dichotomie entre société et politique, et à transmettre la compétence politique universelle de l'État au corps social .
Néanmoins, mis à part la citoyenneté démocratique, on peut se demander si la dimension politique de la citoyenneté politéienne qu’annonce le système représentatif est un projet réaliste, vu la nouvelle phase cosmosystémique que traduit ladite ‘mondialisation’.
4. Il est évident que l'ouverture d'un dialogue sur une typologie de la citoyenneté qui dépasserait les contraintes du système moderne et tiendrait compte de l'acquis anthropocentrique global, serait en soi fondamentale. Cela nous permettrait en outre une meilleure connaissance de la nature anthropocentrique de notre époque et, au-delà, de la ‘mondialisation’. Mais, dirons-nous, ce dialogue acquiert une importance exceptionnelle au fur et à mesure que la question de l'impasse du système politique est posée sous l’angle d'une reconsidération de la relation entre le politique et le social qui tiendrait davantage compte de la volonté de la société. Or, cette reconsidération passe directement et, osons le dire, exclusivement par l'introduction du principe représentatif dans le système politique de la modernité, et en conséquence, par la mutation de la citoyenneté elle-même.
Plusieurs raisons plaident en faveur de l'hypothèse du caractère inévitable de cette évolution. D'abord, la mise en chantier des paramètres du cosmosystème, qui fait communicationnel qui, constitué en termes technologiques, permet pour la première fois le développement anthropocentrique des sociétés au niveau de la grande échelle politéienne. Ajoutons, bien évidemment, les changements intervenus dans la structure du social à la suite des transformations profondes au sein des autres paramètres cosmosystémiques, économie en tête, mais aussi urbanisation, statut du travail, etc. Le vécu prolongé dans la société anthropocentrique constitue en soi un élément de mutation important au fur et à mesure qu'il y a référence à l'émancipation de l'individu et, au-delà, à l'épanouissement d’un nouveau projet de société avancée pour l'avenir.
L’élément catalyseur en l’occurrence est l’émergence d’un espace politique cosmosystémique qui s’articule avec l’espace politique de l’État en une agora politique unifiée et crée les conditions d’une action du citoyen au-delà de l’État. Cette action, renvoie à une forme de citoyenneté de prétention cosmosystémique, à une cosmocitoyenneté de fait et, en dernière analyse, au concept de cosmopolite ou cosmocitoyen .
Il est évident que dans l’intervalle, la rupture des équilibres du système et le recul consécutif de son cadre réglementaire au profit de la pure puissance sont suivis d'une détérioration des conditions de vie de la société (dans les inégalités sociales, en matière de travail, de sécurité, etc.) et, pis encore, d’un sentiment d'impasse politique insurmontable. Une impasse dont est accusé le système politique en place. Bien que, dans le cadre actuel, le concept de ‘société civile’ paraisse encore opérationnel, voire comme la solution alternative , il nous semble qu'il ne tardera pas à montrer sa faiblesse dans le rapport de forces et à révéler son caractère manipulateur du fait politique et déformant de la dynamique représentative. L'écart choquant entre la volonté de l'opinion et les politiques de l'État, signalé par les sondages (par exemple, dans l’affaire de la guerre contre l'Irak) montre en effet que la voie de la ‘société civile’ est de loin la moins appropriée pour répondre au projet représentatif. D’autant plus que la gestion de la citoyenneté cosmosystémique - de la fonction de cosmocitoyen - étant assumée par ses agents, elle sert, dans le contexte statocentrique du rapport des forces, à gêner plutôt qu’à soutenir la cause de la société au sein de l’État.
Néanmoins, l'exemple du travail est plus éloquent, du fait qu’il touche au cœur de la problématique contemporaine sur la nature de la vie sociale, y compris la relation entre le social et le politique.
Nous avons déjà remarqué que la ‘libération’ des paramètres anthropocentriques de l'État et leur développement au niveau du cosmosystème global constituent le dénominateur commun tant de l’effondrement de la ‘périphérie’ que de l’intériorisation intégrale de la dynamique cosmosystémique à l’État.
En conséquence de cela, la dynamique sociale dans son ensemble (y compris économique et politique) subit de plus en plus les implications de l'environnement ‘international’, à savoir des clivages qui se produisent dans les autres pays. Les évolutions quant à la question sociale sont à cet égard très significatives. En effet, on n’escompte plus que cette question soit résolue au sein de l'État où elle se pose : elle s'exprime en termes cosmosystémiques, suivant la dynamique qui l’a produite. Le phénomène des émigrés économiques révèle les dimensions du problème : d'une part, à la ‘périphérie’, qui subit les effets de l’immixtion de nouveaux rapports de production (et, au-delà, la répression politique, etc.) ; et d'autre part, au ‘centre’, qui ressent l’écho du développement cosmosystémique de ses paramètres, surtout sous la forme de la question sociale.
Suite à cette évolution, le ‘centre’ vit déjà un processus inédit, qui consiste à remplacer le travail citoyen par le travail importé. Bien que l'approche du phénomène se fasse encore en termes de concept de chômage, le sens du changement porte sur sa nature propre. La question d'une reconsidération de nos convictions et des stéréotypes qui entourent la relation entre travail, citoyenneté, capital et propriété, est, à notre avis, ouverte. Nous ne pouvons nier que le travail se dissocie graduellement de la citoyenneté, qu'il s'agit en fait d'un processus de rejet du travail dépendant ou pénible du citoyen. Le travail revient à la responsabilité de non-citoyens et, de par son caractère, devient marchandise. Il semble que le moment ne soit pas très éloigné, où le citoyen se sera accommodé de cette réalité, auquel cas son opposition au travail marchandise ne sera plus perçue comme antagoniste .
Cette évolution pourrait annoncer la formation, à long terme, de deux sociétés dans l'État : la société des citoyens et la société du travail marchandise. À moyen terme, la persistance de l'idéal du travail orientera les citoyens à soutenir leur cause par l'action politique (politiques de l'emploi, développement d'initiatives publiques réservées aux citoyens, etc.).
Pourtant, même dans ce cas, mais bien plus encore dans le cas d'une réalité duelle – qui aurait séparé les citoyens du travail dépendant ou dévalorisé –, la question est de savoir comment faire participer les citoyens – et ainsi justifier leur participation – à la redistribution de la plus-value économique produite par la rencontre du capital et du travail marchandise. La réponse à cette question est aussi liée aux problèmes de cohésion interne de la société globale et aux conditions de la lutte politique. Mais elle doit auparavant régler ses comptes avec la doctrine de la propriété, héritée du système despotique, qui présume que la plus-value lui appartient et est de toute façon partagée entre le détenteur du capital et le travailleur.
Il est possible que la voie politique puisse résoudre dans l'intervalle le problème de la redistribution, mais la question de sa légitimité restera ouverte ; d'autant plus que la ‘formule’ politique ne répond pas nécessairement à la logique opérationnelle du devenir économique. Mais, à long terme, le passage à la société duelle, et plus précisément à la société du loisir, présuppose l'élaboration d'un nouveau projet de société (y compris de socialisation, de mobilité, etc.), qui tiendrait compte aussi de la répartition de la plus-value. Or, la solution est dans la reconnaissance du travail et, au-delà, du salaire politique.
Une dernière question, qui n'est pas sans implications sur la citoyenneté, concerne la lutte socio-politique. Dans la période issue de la transition anthropocentrique, le projet de société portait sur la réglementation de la propriété privée en termes de justice proportionnelle ou égalitaire, la réglementation des conditions de travail et une participation équitable à la répartition de la plus-value. Les clivages socio-politiques étaient centrés essentiellement sur la liberté individuelle, la lutte des classes exprimait la composante de l'opposition des deux facteurs de la production, le capital et le travail.
Par contre, les changements déjà énoncés dotent la lutte socio-politique d'un contenu totalement différent et assurément multidimensionnel : a) inter-social, entre la société des citoyens et la société du travail ; b) intra-social, entre les citoyens tout court et les citoyens détenteurs du capital ; c) intra-économique, au sens traditionnel, entre les détenteurs du capital et les détenteurs du travail marchandise.
Dans ce nouveau contexte, le principe d'intégration, qui fait partie du projet de société vanté par la dynamique de proto-construction anthropocentrique au sein de l'État souverain, est envisagé avec méfiance et, à long terme, rejeté par la société des citoyens. Car, si le détenteur du travail marchandise devient citoyen, il aura deux qualités à la fois : celle de citoyen qui participe à la (re-)distribution de la plus-value économique par l’action (les politiques, etc.) de l'État, et à la longue, par le travail politique ; et celle de travailleur économique. Le travail économique se transforme alors en adversaire de la société du loisir et, au fond, se heurte à la logique du système. De même, s'il sort de la société du travail, il prive la société des citoyens de sa contribution à la production de la plus-value.
En tout état de cause, au niveau idéologique, le principe de solidarité qui a soutenu le système de valeurs de la modernité issue de la Révolution française cède la place au principe de partenariat. De la philanthropie, on passe à la copropriété de la chose sociale. Pourtant, ce partenariat n'affecte pas directement la propriété des moyens de production. Il se concentre sur la seule plus-value et il est légitimé par la nature politique, à savoir commune, de la société.
Quelles sont en fait les implications de ces changements sur la citoyenneté ? Premièrement, la notion de partenariat implique la présence directe du citoyen dans le système politique. Le projet de propriété des moyens de production se contente de l'action du pouvoir, tout comme sa gestion positionne l'individu dans la vie privée. En revanche, la redistribution politique de la plus-value économique devient une affaire quotidienne. Cela vaut, à moyen terme, pour les engagements du pouvoir politique en matière de travail des citoyens, mais aussi et surtout, à long terme, pour le financement du travail politique. La différence entre société du travail (des citoyens) et société du loisir (des citoyens) ne consiste pas en l'inaction ou l'oisiveté de cette dernière. La société du loisir est la société fondée sur le travail politique, qui libère à terme le citoyen de toute contrainte de la vie et de la dépendance en matière de travail.
La société du loisir étant un stade supérieur dans le développement anthropocentrique du cosmosystème, elle n'est donc pas pour demain. La période qui s'ouvre devant nous représente une phase intermédiaire qui, nous l'avons vu, conçoit le rejet du travail du citoyen comme chômage et, de ce fait, ne l’assortit pas d'une élaboration idéologique appropriée. Nous vivons encore et nous vivrons pour un certain temps l'idéal du travail, qui empêche l'idéalisation du loisir et la conceptualisation de la liberté adjointe, sociale et politique .
Pourtant, la persistance de l'idéal du travail et, en conséquence, du projet politique du plein-emploi, est déjà confrontée à la réalité : le paramètre économique se meut vers le rejet du travail et la constitution inhérente d'une société du travail marchandise, tandis que la politique, à laquelle revient la gestion de l'idéal du travail, cherche désespérément à concilier les résistances mentales avec la dynamique émergente. Il s'agit en fait d'une conciliation, puisqu'elle demande un rapport plus équilibré entre le social et le politique, dont le système moderne ne peut se porter garant. Car, laissant la gestion de la chose sociale aux forces intermédiaires, il est à la merci des relations de puissance qui non seulement ne favorisent pas la société mais se servent de la nature autonomique du politique pour légitimer son résultat.
Il est alors présumé que les changements intervenus du fait de ladite ‘mondialisation’ révèlent essentiellement l’impasse du système politique et l’incapacité des forces intermédiaires d'assurer une fonction représentative de fait. C'est cette impasse qui, combinée avec l'émancipation relative des couches sociales et le nouvel environnement communicationnel, pousse le citoyen à prendre ses distances par rapport à la vie politique établie. Il ne s'agit pas d'une dépolitisation ou d'une crise de la politique, comme on le dit souvent, mais d’un rejet des fondements et des pratiques traditionnelles du système en place et, au-delà, d'un acte politisant profond. Le fait qu’il ne se traduise pas en un projet positif atteste son caractère transitoire, dont le sens de l'évolution ne laisse pas de doute : le citoyen d'État semble ne pas devoir tarder à s'exprimer en citoyen partenaire du système politique.
5. D'une manière générale, nous constatons donc qu’on assiste à un processus de mutation qui touche aux fondements mêmes des sociétés modernes, et par là à l'offre identitaire, à la nature du travail et à la citoyenneté. Certains de ces changements sont déjà visibles ; d'autres se profilent à l'horizon du moyen ou du long terme.
Plus concrètement, l'identité globale qui a donné naissance aux sociétés modernes est largement contestée dans son rôle monopoliste de l'État et légitimateur de sa souveraineté politique. La recherche d'une identité globale plus consensuelle, telle que l'identité politéienne, n'apparaît pas toujours comme forcément alternative à l'identité nationale. Elle rappelle la nature pluraliste de la société et, d'un autre point de vue, le nouveau projet de société, issu de l'émancipation anthropocentrique de ses membres, qui soulève la question de l'autonomie non représentative du système.
En effet, les identités particulières qui se dissimulent derrière la détermination de l'État souverain de se servir de l'identité nationale réapparaissent et revendiquent leur expression politique. La manifestation plurielle de la société conduit à une constitution plurielle du système politique. La citoyenneté devient à son tour plurielle, suivant les niveaux autonomiques successifs du système.
D'un autre côté, les sociétés étatiques intégrées à la dynamique cosmosystémique engrangent à leur tour les conséquences à plusieurs niveaux : politique, économique, communicationnel, culturel... On a une expression de ces nouveaux clivages, entre autres, dans l'effondrement du système du travail dans les pays du ‘centre’, qui, dans un premier temps, témoigne de la pression sur le ‘travail citoyen’ des émigrés économiques. Ce processus qui consiste, à moyen terme, à dissocier de plus en plus le citoyen du travail économique, fait dépendre au fur et à mesure son sort de la politique, annonçant, au bout du compte, la cristallisation de sociétés distinctes dans l’État : la société des citoyens et la société du travail marchandise, alimentée par la ‘périphérie’.
Les mutations dans la structure (multi-politéienne) et la nature (intra-politéienne) de la citoyenneté sont suivies d'un changement profond de la relation entre le social et politique. Changement qui révèle l’incapacité de ladite ‘société civile’ à compenser le déficit représentatif du système politique moderne et d'assurer un certain équilibre favorable à l'intérêt social. Changement qui s'exprime, entre autres, par la prise de distance du citoyen vis-à-vis des formes de participation qui tendent à légitimer la logique médiatrice de la classe politique et des groupes intermédiaires, autrement dit son exclusion du processus politique. Changement enfin qui annonce l’émergence d’une nouvelle forme de citoyenneté qui, dépassant le cadre de l’État, s’affirme en fait par l’action du citoyen au niveau du cosmosystème, à savoir la citoyenneté cosmopolite informel.
En somme, le passage du simple citoyen de l’État (fait d'appartenance) au citoyen de la politéia (fait de partenariat) et au-delà, au cosmopolite (ou cosmocitoyen), au sens littéral du terme, s'inscrit dans le cadre des mutations d'ordre cosmosystémique qui, malgré les effets collatéraux provoqués par la transition, conduiront inéluctablement à un approfondissement plus poussé de l’acquis anthropocentrique. L’identité politique, issue de l’émancipation de l’être humain, traduira ainsi un fait d'obédience à l'État souverain (la citoyenneté suzeraine) à un statut paramétral du système politique.
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