Georges Contogeorgis
La nation comme concept.
La
nation de l'État face à la nation de la société des citoyens. La conscience
(identitaire) de société comme fondement des frontières politiques[1].
Prologue
Le processus de construction de
l’Europe politique et les développements dans le cosmosystème global que rend
la notion de mondialisation, a vivement ramené au premier plan le débat sur la nation[2]. En même temps, on observe que
« l’école » de pensée adoptée dans ce débat a acquis, ces dernières
décennies, la qualité d’unité de mesure scientifique sur base de laquelle sont
redéfinis les concepts de conservation et de progrès.
Dans ce cadre, est progressiste
le point de vue selon lequel la nation est une création moderne, une
construction ou, autrement dit, une invention de l’État; et en tant que telle,
la nation est destinée à disparaître comme phénomène social, si l’on porte
atteinte à l’identité fondamentale établie entre le système politique et le
système « d’Etat » instauré lorsque l’Occident s’est affranchi du
despotisme.
Cette approche est révélatrice, à
notre avis, du repli conservateur du monde moderne, qui équivaut à l’aversion
des classes dominantes envers les développements qui se profilent à l’horizon.
Repli nettement et largement visible lorsque l’on envisage les
bouleversements dramatiques dans les rapports des forces, tant au sein
de l’Union européenne que dans le cosmosystème global.
Il est clair que cette approche
met la modernité face à son déficit gnoséologique. Elle reconnaît de fait son
incapacité à élaborer une gnoséologie générale qui lui permettrait d’étudier le
phénomène de la nation sous l’angle du processus évolutif global de
l’homme social. Cela lui permettrait de définir l’essence culturelle de
celui-ci, et de résoudre l’enjeu politique associé à l’agent légitimé à en
avoir la responsabilité d’une part, et de l’autre à l'espace géographique des
sociétés constituées en États, autrement dit à la question des frontières.
Enjeu qui appelle à envisager le rapport de la nation avec des concepts
fondamentaux comme la liberté, la démocratie, l'État, etc.
Dans les pages qui suivent, on
entreprend précisément de repenser les constantes gnoséologiques de la science
moderne sur la manière d’appréhender la nation et sa place dans le cours
dramatique des événements du monde contemporain, en commençant par l’Europe
politique et le monde occidental.
a. La nation de la modernité, une
«invention» et imitation «imaginaire»
L’opinion dominante considère
que le concept de nation «est une création relativement contemporaine et ne
constitue une entité sociale que dans la mesure où elle prend la forme de l’État contemporain défini
par un territoire, c’est-à-dire ‘l’État-nation’». «Toutes les nations sont
relativement récentes et sont des créations relativement artificielles. Cela
vaut aussi pour la nation grecque, qui n’existait pas avant le XIXe
siècle». En dernière analyse, le concept de «nation grecque» n’est qu’une
création (artificielle) de l’État-nation néogrec. Par conséquent, les nations
qui affirment avoir préexisté «à l’État-nation se font une idée fausse du passé
historique»[3].
Cette opinion, qu’Eric Hobsbawm résume
bien, au-delà de ses diverses nuances, admet que dans
les pays du «centre», la nation est une construction artificielle ou, selon le
cas, une invention[4].
Pour ce qui est de la «périphérie», vient s’ajouter la version de la conception
imaginaire[5],
c’est-à-dire du transvasement de l’idée depuis le «centre». Une version
améliorée de ce dogme met en avant la nation comme concept dans les clivages
intervenus lors des métamorphoses subies par l’État à partir du siècle des
Lumières et qui aboutirent à la formation de l’État-nation. Mais en tout cas,
elle ne s’écarte pas de l’idée fondamentale que l’État constitue la nation.
Nous concluons de l’argumentation de
cette «école» que la nation n’est pas considérée comme une
caractéristique spontanée et donc inhérente du fait social, mais comme un
«implant» que l’État a installé dans l’esprit de la société afin d’obtenir son
consentement, c’est-à-dire une légitimation dans le système de souveraineté
politique qu’il véhicule. La nation est donc liée à la conception selon
laquelle l’État est l’équivalent tautologique de la politéia. Ainsi cet État,
dans la mesure où il monopolise finalement le système politique, porte-t-il
aussi l’entière responsabilité de sa créature, la nation. S’autoproclamant donc
détenteur naturel de la nation, l’État s’auto-définit aussi comme mandataire de
cette idée, et non de la société. Or, ce faisant, il annule le signe représentatif,
qu’il se réserve à lui-même puisqu’il assume des compétences qui, en dernière
analyse, correspondent aux qualités de mandant (la nation, en l’occurrence)
aussi bien que de mandataire (la nation).
Comme nous le verrons, cette observation confirme le résultat: la politéia-État n’a pas de substance
représentative. Autrement dit, le scrutin n’a pas de contenu représentatif,
c’est une simple technique pour choisir le personnel
politique nécessaire pour donner chair et os au
système/État politique, élaborer sa volonté politique et promouvoir ses
politiques. En fin de compte, le personnel
politique est choisi par des réseaux d’intérêt et des
mécanismes avant d’être proposé au vote légitimant de la société, comme l’exige
le système[6].
À voir les choses à la lumière de ce dogme,
il est logique d’affirmer comme le fait E. Hobsbawm que si l’État disparaît –
et, au fond, si le système politique se détache de l’État –, ni cette idée ni,
par extension, la nation n’auront plus de raison d’être. Mais il ne précise pas
pourquoi cet État disparaîtrait et par quoi il serait remplacé, puisqu’il est
aussi considéré comme donné que le système politique contemporain est
démocratique. Ce point de vue serait logique si l’hypothèse de travail fondamentale s’avérait
correcte, à savoir que la nation en tant qu’identité collective est une
«construction mentale ou imaginaire».
Rappelons enfin que dans l’État moderne, la
nation est abordée comme un concept purifié de toute diversité culturelle interne. En d’autres
termes, la société est conçue comme une communauté culturellement homogène. Cette approche de la nation et, par
extension, de la société traduit le fait que l’État possède de manière indivise
le système politique. Par conséquent, le concept de souveraineté politique
indivise face à la société (qui a en tout un statut privé) n’est pas compatible
avec la constitution multi-politéienne de ce système. Cette nation est définie
politiquement par l’État, habite sur son territoire et vit son histoire.
b. La construction
«artificielle» de la nation, invention de l’oligarchie
Pour ma part, je vais tenter de montrer que
cette approche du concept de «nation» est le résultat du déficit gnoséologique
général de la science sociale moderne: incapable d’élaborer une gnoséologie
globale, elle investit son paradigme – les réalités de notre temps –
d’un contenu universel et le propose comme mesure et surtout comme modèle de
référence interprétative face à l’Histoire. Ce déficit est toutefois lié à la
nécessité qu’a eue l’État moderne de légitimer naguère et de maintenir ensuite
intact, de nos jours, l’acquis de sa souveraineté politique face à la société.
Nécessité qui fait de la science le défenseur de l’État souverain, incarnation
univoque de la politéia. Concrètement, je soutiendrai que la construction
artificielle, ce n’est pas la nation en tant qu’identité collective, mais
l’idée que la nation est une création de l’État moderne et lui appartient au
lieu d’appartenir à la société. Il apparaîtra que finalement, la nouveauté qui
fait l’originalité de notre époque, c’est la rencontre de la nation avec l’État
dans le cadre d’un territoire unique. Je conclurai que l’incarnation de la
nation par l’État et la tautologie entre État et politéia ne sont ni données,
ni constantes: elles se retrouvent à la phase proto-anthropocentrique que
traverse le monde actuel, celle de la modernité.
Comme nous le
verrons, cette argumentation n’est pas une figure de l’esprit: elle puise son
matériel dans les deux paradigmes anthropocentriques, celui du cosmosystème hellénique
et celui du cosmosystème moderne qui a émergé, dans le prolongement du premier,
à la grande échelle cosmosystémique[7].
c. La nation comme identité de la société anthropocentrique
La première observation est que la nation en tant que concept est, comme toute référence
identitaire,
indissociablement liée au fait anthropocentrique et plus précisément à la
constitution de l’individu social en termes de liberté. L’individu ne réfléchit sur son «être», son existence, sa
substance sociale, sur «l’autre», qu’à partir du moment où il vit un régime de
liberté au moins individuelle. La nation, l’identité collective globale, comme
toute autre identité individuelle ou collective, est une caractéristique
inhérente, constitutive de la société anthropocentrique. Cela ne veut pas dire
que dans les sociétés non anthropocentriques (despotiques, et notamment
féodales), il n’y a pas de différences culturelles ou autres: cela veut
simplement dire que là, le concept de société est composé tautologiquement par
le domaine de propriété du despote. C’est pourquoi le serf n’a pas d’identité
propre, son «être» se ramène à l’identité du despote. Ce phénomène est
particulièrement visible dans le contexte du «despotisme privé» établi par le
concept de féodalité en Europe occidentale au cours du premier Moyen Âge. En
cela, la période féodale de l’Europe occidentale se prête bien moins que le
despotisme «asiatique» à une comparaison avec le paradigme cosmosystémique anthropocentrique. La première appartient à
un stade du cosmosystème despotique très primitif – celui du «despotisme privé»
–, tandis que le second correspond à la phase du «despotisme étatique» typique,
qui autorise aussi, bon an mal an, certaines poches anthropocentriques à faire
carrière en son sein.
Le despotisme asiatique/étatique
ressemble davantage à ladite «monarchie absolue» de la Renaissance européenne,
qui toutefois ne contient pas l’élément de
transition. J’entends par là que, si le «despotisme étatique»
européen est classé typologiquement dans la même
catégorie cosmosystémique que le «despotisme
asiatique», il en diffère néanmoins par le fait qu’il s’inscrit en même temps dans une période transitoire, dictée de
manière décisive par l’émergence des paramètres anthropocentriques de l’ère nouvelle qui s’imposera finalement au cours du XXe
siècle. Autrement dit, la «monarchie absolue» en Europe illustre le «despotisme
étatique», lequel a succédé au «despotisme privé» qui s’est fixé après la victoire de la
barbarie germanique sur le territoire de la
Rome occidentale.
En tout état de cause, l’existence
de poches tout à fait anthropocentriques dans les sociétés du despotisme étatique nous permet d’y discerner une collectivité identitaire pré-nationale qui, dans le cas du continent européen, a
évolué en fait national parce qu’entre temps, ses sociétés se sont
reconstituées en termes anthropocentriques[8].
Cette observation fondamentale
suffit à elle seule à prouver que la nation n’a pas été «inventée» à l’époque moderne par l’État, mais a couvé dans l’environnement des
poches anthropocentriques de l’Europe «renaissante». Dans ce cadre, la nation a
servi au départ d’argument pour contester le fait que l’État était attaché au
monarque absolu en termes de propriété[9].
Elle a également été invoquée par l’État pour imposer l’homogénéisation
anthropocentrique de la société à l’aune du dogme: «un État, une nation, une
langue», etc.[10]
Il est intéressant d’observer sur ce point qu’en Europe occidentale,
«l’homogénéisation nationale» fut largement dictée par la nécessité de dépasser
l’ancien régime despotique et d’accomplir la
mutation anthropocentrique de la société de l’État, tandis que dans le
paradigme grec, l’État-nation fonctionna par imitation, afin de servir la
démolition culturelle d’un type
d’environnement social anthropocentrique par excellence, et qui plus est
œcuménique, alors incarné par le monde hellénique. Le cas du problème
linguistique entre langue «savante» et langue «courante», qui prit un tour
hautement politique, est tout à fait caractéristique: les adversaires s’accordaient
en fait à penser qu’au nom de l’une ou de l’autre «langue» artificielle, les
dialectes helléniques sur lesquels reposait la diversité culturelle du monde hellénique
devaient disparaître.
d. La nation comme conscience de
société et la liberté
En tant qu’identité collective, la nation définit un fait culturel qui constitue
finalement une conscience de société. L’identité en tant que fait culturel dans
le cadre de l’anthropocentrisme ne signifie pas forcément reconnaissance à
«l’autre» d’une particularité culturelle essentiellement différente. Je dirais
même que l’inscription du monde des collectivités culturelles dans la même
catégorie ou phase anthropocentrique réduit considérablement les différences,
au point qu’elles ne sont plus dorénavant le paramètre distinctif de leur
volonté politique.
Il est intéressant de remarquer que, dans
la mesure où les distinctions culturelles
s’amenuisent, la différenciation identitaire
est soulignée et même reliée organiquement à des dimensions de la liberté
inconnues jusqu’alors. La focalisation sur la liberté prend forme en une
identité qui exige de s’auto-définir. De même que dans le cas du cosmosystème
hellénique, de même dans le monde ethnocentrique moderne, le développement
anthropocentrique en marche des sociétés les conduira à se débarrasser des
différences qui tiraient leur existence de leur vécu historique (costume,
musique, mentalités, us et coutumes, etc.) et à adhérer à des pratiques de vie et des valeurs dotées
d’un soubassement anthropocentrique commun. Parallèlement, au sein de la
collectivité identitaire globale (d’une nation), les différences
existantes de caractère culturel ou
social sont désormais avancées comme signifiantes sans toutefois mener à la
rupture. Je songe aux différences sociales, de classe, linguistiques et autres,
que la modernité a contournées pour se reconstituer anthropocentriquement sur
le fondement de la liberté individuelle, mineure du point de vue
cosmosystémique, mais majeure pour son temps. Autrement dit, identité «signifie»
tout d’abord celui qui possède une entité propre, c’est-à-dire une individualité personnelle ou collective, et par extension
une autonomie d’existence. Ainsi, à partir du moment où l’identité compose une
conscience de société, elle exige son autonomie, c’est-à-dire la possibilité de
s’auto-définir. C’est pourquoi dans l’anthropocentrisme, l’identité
(individuelle, sociale, politique, etc.) est indissociablement liée à la
liberté.
De ce point de vue, le fait culturel de la «nationalité» évolue en
«nation», dans la mesure où il constitue une conscience de société. En
l’occurrence, l’identité s’avère
«complice» de la liberté qui prend forme en projet politique. Mais de quelle
liberté s’agit-il ? La modernité relie la dimension politique de la nation à la
liberté individuelle, en tout cas – puisqu’elle est la condition minimale du
fait anthropocentrique –, et surtout, dans ce cadre, à la liberté nationale (la
liberté face à «l’autre» nationalement parlant).
L’individu moderne n’imagine pas qu’un tiers puisse définir sa vie personnelle
ou annule l’indépendance de son pays (de la nation).
Or, il n’en va pas de même sur le terrain
social et politique, car là où les membres de la société (les citoyens) passent
contrat avec des sous-systèmes sociaux (de l’économie, par exemple) ou avec le
système politéien global, ils ne s’auto-définissent pas. Le concept
d’autodéfinition ou, plus correctement dit, d’autonomie – surtout pour ce qui
est de la politique – veut dire que la société investit le système à la place
de l’État et décide de son sort. Ce qui n’est pas le cas à notre époque
puisque, nous l’avons constaté, la politéia est incarnée par l’État en termes
de tautologie. Pour le justifier, on dit que la constitution politéienne de la
société – et, en l’occurrence, l’infiltration de la société des citoyens dans
la politéia – n’est pas possible de nos jours parce que le cosmosystème
anthropocentrique – contrairement à sa période hellénique – s’est construite à
la grande échelle. On complète cet argument par l’allégation (tout à fait
oligarchique) selon laquelle la relégation de la société des citoyens dans la
sphère privée, c’est-à-dire en dehors de la politéia, est justifiée par la
complexité de notre époque et des phénomènes que la politique est appelée à
traiter, par l’incapacité de la société à donner forme à sa volonté, par son comportement égoïste qui peut causer
tort à la nation, etc.
Telle qu’elle est posée, la question est
complètement fausse et assurément tendancieuse. D’abord, on n’explique pas
pourquoi, alors que les sociétés contemporaines sont manifestement plus
complexes que celles du XIXe siècle, la participation politique des
sociétés est aujourd’hui plus importante. Deuxièmement, on passe sous silence
le fait que de nos jours, l’enjeu n’est pas, comme le prétendent les défenseurs
de la supériorité de ladite démocratie
«indirecte» et en l’occurrence du projet oligarchique, la renaissance de la
démocratie «athénienne», mais celle du principe démocratique: j’insiste
à dire que l’enjeu n’est pas, en dernière analyse, de mettre en œuvre de nos
jours la démocratie – les conditions n’en sont pas réunies, et personne ne la
réclame – mais de convenir que le monde moderne n’est pas encore mûr pour la
revendiquer. C’est précisément cela, et non le monde notre époque, qui fait
l’essentiel de la complexité et aboutit au partage des tâches.
On passe donc sous silence le fait que le
monde moderne a découvert la démocratie dans ses lectures de la littérature
hellénique et non comme expérience ou besoin vital. C’est ainsi que quand il
doit aujourd’hui encore réfléchir à la politique, à la liberté et aux autres
paramètres (l’égalité, la justice, etc.) de la société moderne, il atterrit
dans les réalités de son vécu
pré-anthropocentrique ou tout au plus proto-anthropocentrique. Il comprend
subconsciemment que ce qui vaut pour le développement d’un individu vaut par analogie pour celui d’une société: de
même que le nourrisson ou l’adolescent ne saurait passer, parce qu’il l’a
décidé, directement à la maturité de la cinquantaine ou de la soixantaine, de
même les sociétés ont besoin de temps pour développer les conditions de leur
accomplissement. La démocratie traduit la phase d’achèvement anthropocentrique
d’une société, et non celle de son entrée dans l’anthropocentrisme, qu’illustre
notre époque.
En tout état de cause, les champs de la vie
socio-économique et politique échappent à la problématique du monde moderne sur la liberté. Ils
n’apparaissent même pas au titre de projet de la société: on manifeste dans les
rues ou on fait grève pour obtenir son maintien dans un régime de travail
dépendant, pas pour en être libéré; pour faire pression sur les détenteurs du
système économique et politique, pas pour que ce dernier nous soit attribué.
Cette observation capitale révèle une autre dimension du problème social plus
ou moins sous-jacent, comme nous le verrons, dans le contexte de ladite
«mondialisation», à savoir le fait que le travail du citoyen est en train de
passer du champ du droit public au statut de travail/marchandise. Cette évolution,
qui laisse présager que la demande de liberté sociale se posera un jour, passe
complètement inaperçue des lectures de notre époque. Pourtant, dans la mesure
où elle induit la liberté sociale, cette perspective est une menace dans
l’esprit de ceux qui promettent l’internationalisme/cosmopolitisme et pensent
qu’elle ne peut être contrée que par l’affaiblissement de la digue collective
que constitue la politéia nationale[11].
Effectivement, derrière la «culpabilisation» de l’identité collective et l’entreprise
qui s’ensuit de dissocier la «démocratie» de son sujet collectif qu’est le
corps de la société des citoyens, se dissimule l’opposition fondamentale quant
à la place à réserver à cette dernière dans le système économique et politique.
Il est intéressant de suivre cet enjeu dans la cité de la période classique, à
une époque où ses citoyens avaient déjà incorporé comme objectif la liberté
sociale (et, au-delà, politique): les uns, les oligarques, prétendaient que la
redistribution économique devait être liée à la participation du détenteur du
travail à la production du produit économique; les autres, les démocrates, leur
opposaient que le système économique ne devait pas, d’une part, abolir la
liberté sociale du détenteur du travail et, d’autre part, devait accepter la
participation égale du travail politique dans la redistribution du produit de
la production. Dans ce cadre, le «eudaimonos zein» (vivre heureux)
englobait à la fois le «diaitasthai aneimenos» (vivre sans contrainte)
et le «scholazein» (le loisir) ou, du moins, la non-dépendance du
citoyen dans le domaine du travail[12].
Tel fut précisément l’enjeu de la Guerre du Péloponnèse, conflit
cosmosystémique à l’échelle de l’époque. Enjeu manifestement différent de celui
des relations internationales actuelles ou, par exemple, de la Seconde Guerre
mondiale. Le passé de la modernité avait affaire avec le mode de transition
(socialiste ou libéral) à l’époque anthropocentrique et avec des les relations
d’hégémonie que laissait prévoir le choix de l’un ou de l’autre projet. De nos
jours, l’enjeu se concentre sur la question de la souveraineté totale ou
partielle du capital sur le système de l’économie et, par extension, sur le
caractère public ou commercial du travail. Lors de la Guerre du Péloponnèse, le conflit mit face
à face les défenseurs du travail oligarchique ou économique et ceux du travail
démocratique ou politique. L’objectif du conflit était la liberté sociale et la
liberté politique qui correspondait à l’idée de la société du loisir et non,
comme aujourd’hui, le pouvoir dépendant et l’appartenance à l’État/système.
Certes,
l’intelligentsia moderne se hâtera de justifier le choix de l’approche
restrictive de la liberté en la définissant, sur le champ social et sur le
champ politique, non pas comme autonomie, mais comme droit. Or, c’est négliger
ou éventuellement ignorer que le droit ne rend pas l’individu autonome: il ne fait
que délimiter le champ de la liberté là où elle n’existe pas (par exemple, la
liberté individuelle dans le domaine du pouvoir économique et politique). Le
droit prospère là où la liberté est absente, et devient obsolète là où la
liberté s’étend.
La modernité n’en
prétendra pas moins que le droit est supérieur à la liberté: c’est en ce sens
que nous devons admettre qu’il est mieux que le détenteur du pouvoir politique,
en l’occurrence le Premier ministre, le président ou le monarque, décide du
sort de la société à la place de celle-ci, c’est-à-dire à la place du corps des
citoyens; ou que l’on manifeste pour faire pression sur le pouvoir politique et
le contraindre à prendre en compte sa volonté, au lieu de
s’autogouverner ! Mais on se demande pourquoi, si le droit est supérieur à
la liberté, on ne cherche pas à l’appliquer aussi dans le champ de la vie
personnelle (liberté individuelle). Comme nous le verrons, la théorie des
droits (hétéronomiques) est venue compléter le dogme de la modernité concernant
«la supériorité de la liberté des modernes sur la liberté des anciens».
En réalité,
l’insistance à dire que la nation est une invention de l’État et non un
phénomène social inhérent à l’anthropocentrisme signifie qu’à la phase que
traverse notre époque, l’individu s’est déféodalisé en tant qu’entité, mais non le système
socio-économique et politique: comme dans le despotisme/féodalité, le système
demeure la propriété d’un tiers avec lequel la société est appelée à passer un
contrat et auquel en tout cas elle doit donner son consentement. Mais ce
consentement concerne la légitimation du système, il ne préserve pas la liberté
dans le domaine où sa concession est convenue. Autrement dit, l’idée que le
personnel politique agit en représentant de la nation et non de la société, de
l’intérêt général et non de l’intérêt commun, tandis qu’au même moment il
s’auto-investit de la compétence de décider de ce qui est national et de ce qui
ne l’est pas, est révélatrice de la finalité idéologique de l’argument. En
effet, si l’on admet que la nation, en tant qu’identité, constitue une
conscience de société, le personnel politique doit reconnaître au moins la
société comme mandant. Car dans ce cas, la nation lui appartiendra: il s’agira
de la nation de la société et non de la nation de l’État.
Ici, la modernité
affirme avoir réussi l’impossible, à savoir que son système est à la fois
démocratique et représentatif, alors que ces deux systèmes sont incompatibles
et que le sien n’est même pas représentatif.
En tout état de
cause, il est manifeste que cette problématique n’a de valeur que pour la
compréhension de la relation actuelle entre société, nation et politique/État.
La démocratie et, en un sens, la représentation n’ont pas de perspective de
réalisation de leur projet à notre époque, parce que leur «image» et, par
extension, la demande correspondante ne se sont pas encore formées et que les
conditions pragmatologiques pour ce faire ne sont pas réunies[13].
e. L’enjeu
de la «nation de la société» entre «l’État-nation» et l’État de la
«mondialisation»
Ces observations jettent quelque lumière sur les évolutions actuelles de
l’argument de la «mondialisation». La «mondialisation» a été conçue comme étant
à peu près équivalente à «l’internationalisme» et le «cosmopolitisme», concepts
qui ont été marqués par un nouveau projet de libération pour l’homme[14]. Le
citoyen du monde est appelé à se substituer au citoyen de l’État dans le binôme
«État-nation» ou «internationalisme/cosmopolitisme». On s’accorde déjà à penser
qu’un patriotisme moderne et, par extension, le nouvel idiome de cohésion pour
les sociétés doit adopter comme fondement la citoyenneté (la qualité de
citoyen) qui, en l’occurrence, a affaire avec l’ordre juridique de l’État de la
mondialisation et non avec l’État-nation[15]. La
différence est fondamentale. Le citoyen de l’État de la «mondialisation» est
abordé à la manière de la modernité proto-anthropocentrique: il n’est pas mis
en référence avec l’identité collective, mais avec l’État, en vertu de son
appartenance à celui-ci. Cela veut dire que le dogme de la «mondialisation»
classe la société en dehors de la politéia et la relègue au statut de particulier.
Parallèlement, on propose que l’équilibre rompu sur le territoire de l’État –
dans la relation de l’État/système avec la société et le marché – soit rétabli
non pas à la manière du passé, c’est-à-dire sur la base d’une référence
sociale, ou ne serait-ce que «de classe», des forces politiques, mais avec pour
véhicule les forces/groupes intermédiaires. En tout cas, l’élargissement de la
liberté du citoyen au champ de l’économie et de la politique n’est même pas
posé au titre d’hypothèse de travail sur la table du dialogue. Il va de soi que
le système appartient aux forces politiques et aux groupes intermédiaires,
lesquels refusent toutefois de fonctionner politiquement sous l’angle de la
représentation. Le citoyen de l’État de la «mondialisation» est appelé à
s’harmoniser à la finalité du marché, à vivre sa vie sociale et économique sous
l’angle du sujet extérieur au système et non en partenaire de celui-ci. Or, la
différence entre entremise et représentation est capitale et est le trait
distinctif du système. L’intermédiaire véhicule en principe les intérêts
propres du groupe. Mais il n’est pas le mandataire de la société et il ne rend
de comptes qu’au «groupe». Même quand il a l’air de s’entremettre pour des
intérêts plus larges, il ne se comporte pas en représentant. Dans la mesure où
elle a lieu, la référence à «l’intérêt général» n’a rien à voir avec l’intérêt
commun ni avec la volonté de la société. Le système construit par les
intermédiaires n’est pas représentatif ni, évidemment, démocratique. L’élément
nouveau qui s’ajoute au projet politique de la «mondialisation» concerne la
notion de gouvernance. Ce concept introduit l’exigence que la finalité de la
politique et, par extension, les politiques de l’État soient élaborées en
coopération avec les groupes intermédiaires, et non comme dans le passé, dans
le cadre d’une rencontre, fût-elle extra-institutionnelle, avec la société des
citoyens. En outre, il ambitionne l’extension du champ politique de ces groupes
sur le terrain interétatique pour qu’ils interviennent dans la dynamique
politique de la cosmosphère. Ambition qui ne répond toutefois pas à la question
de savoir comment ils éviteront les conditions communicationnelles, économiques
et les rapports de force manifestement plus défavorables dans le contexte
interétatique lorsque, à l’intérieur de
l’État, dans des conditions réglementaires constituées, ils ont totalement
échoué. La dégénérescence rapide desdits «mouvements» du type Gênes ou Porto
Allegre témoigne de l’insistance des forces «nationales» intermédiaires à
conserver un rôle qui soit strictement un rôle de conduite et, par conséquent,
de pouvoir pour eux-mêmes, rôle qui passe par la substantiation oligarchique du
collectif. Pour conserver leur acquis, ils semblent même prêts à chercher des alliances
auprès de facteurs extra-politéiens et même extra-étatiques, dans l’espoir de
réduire ainsi la société des citoyens à l’impuissance politique.
Dans la mesure où
le lien axiomatique du concept de «gouvernance» avec la logique de l’entremise
est sans conteste responsable des bouleversements qui surviennent de nos jours
au détriment des couches sociales les plus défavorisées, il est intéressant de
suivre la gauche prétendue modernisatrice dans ses approches de la nation. Au
fond, son choix pour la «société civile», nom-prétexte qu’elle donne aux
groupes intermédiaires émergés de la société, correspond à son insistance à
attribuer la nation à l’État et non à la société des citoyens. Insistance qui
montre que la gauche refuse d’admettre la substantiation politéienne de la
collectivité nationale. Dans le passé, son aversion pour la collectivité
nationale reposait sur son attachement à un patriotisme «de classe» qui
concédait à l’État la propriété totale ou principale du système
socio-économique et politique. Le fait qu’elle se soit rangée du côté des
forces intermédiaires (intérieures et extérieures) montre indubitablement
qu’elle théorise sur le socio-économique et sur le politique en ayant à
l’esprit le simulacre despotique du système. Par conséquent, dans la mesure où
elle ne reconnaît à la société que la liberté individuelle, elle n’a aucun mal
à se détacher de sa composante nationale en érigeant le «cosmopolitisme» en
paramètre destiné à compenser le «nationalisme». Cependant, elle oublie que, ce
faisant, elle rejoint les versions les plus avancées du (néo)libéralisme qui
ravalent le travail du citoyen au niveau du travail-marchandise, mais aussi le
nationalisme dans son refus de reconnaître la société des citoyens comme acteur
institutionnel de la vie politique. Toutes les idéologies et forces politiques
modernes s’accordent fondamentalement à penser que la liberté sociale et la
liberté politique ne conviennent pas à la société. Dans ce cadre, il est
inévitable que le citoyen soit même dépouillé des acquis accumulés à la phase
de la transition et accepte d’être assimilé au statut de «métèque» économique
et politique.
L’insistance à
aborder le système socio-économique et le système politique loin de la liberté,
dans le contexte de la «mondialisation» (le développement cosmosystémique de
l’anthropocentrisme) met donc le citoyen en situation d’impuissance politique
puisqu’il se trouve confronté aux dynamiques du cosmosystème global (mobilité
du capital, travail-marchandise, etc.) sans être muni des anticorps politiques
et surtout politéiens nécessaires. La mise en avant de l’ordre juridique de
l’État de la mondialisation / du cosmopolitisme s’oppose de manière essentielle
à la nation de la société.
Ce raisonnement
reste sous-tendu par le dogme des Lumières selon lequel la «liberté collective»
menace la liberté individuelle. D’où la condensation de l’argumentation selon
laquelle la «majorité», entendons celle de la société des citoyens, est une
menace pour les droits. En un sens, c’est correct, si la référence à la
majorité suggère la prise en main de la compétence politique par la société des
citoyens, au lieu de l’État.
Précisons
toutefois que l’expression «liberté
collective» ne coïncide pas avec la liberté politique mais avec l’invocation,
dans le meilleur des cas, de la volonté collective par le détenteur légitimé du
pouvoir politique. La liberté politique, entendue comme l’autonomie de la
société dans le champ de la politique, présuppose que la politéia soit
attribuée à la société. D’un autre côté, la perception de la liberté comme
autonomie réfute l’argument selon lequel liberté individuelle et liberté
politique sont des concepts incompatibles. La liberté individuelle s’inscrit
dans le premier stade postféodal, c’est-à-dire dans les sociétés qui vivent la phase
de leur sortie de la féodalité, où elles se constituent pour la première fois
sur des bases anthropocentriques, c’est-à-dire en sociétés vivant dans la
liberté. En cela, elle marque la différence entre despotisme et anthropocentrisme et
conditionne l’élargissement ultérieur tant d’elle-même que des champs de la
liberté en direction de la vie sociale et politique. Cet élargissement est donc
cumulatif, non annulatif. La liberté politique constitue le sommet de la
liberté en général, c’est-à-dire globale, puisqu’elle enrichit
additionnellement la liberté individuelle et la liberté sociale. Dans le même
temps, le développement des champs de la liberté s’élargit forcément, du champ
individuel au champ social et politique. Par conséquent, on peut être libre individuellement
sans l’être socialement et politiquement. On peut aussi jouir de la liberté
individuelle et de la liberté sociale sans être politiquement autonome. En
revanche, il n’est pas imaginable que l’individu social soit
politiquement libre sans être individuellement (et socialement) libre: ce
serait comme si le serf, qui n’a pas la liberté individuelle, était socialement
et politiquement libre.
J’insiste sur ce
point parce qu’on entend souvent dire que la liberté politique nuit à la
liberté individuelle (la vie privée), si elle ne l’abolit pas. Il s’agit pour
le moins d’un malentendu. Plus la liberté élargit le champ de sa réalisation,
notamment en direction de la vie sociale et politique, plus le rayonnement
thématique de la liberté individuelle se consolide et même s’élargit. L’individualité est menacée par les systèmes structurés
sur la base de la souveraineté politique, non par la démocratie. Rappelons
enfin que pour que la liberté politique puisse se renforcer, le système
politique doit être détaché de l’État et attribué à la société pour que
celle-ci incarne et, par extension, gère la politéia et la nation (sa
collectivité).
La perspective de la liberté globale à laquelle le système de
la démocratie donne substance, la modernité l’a rejetée dès le siècle des
Lumières en l’égalant au totalitarisme[16]. Le
résultat de ce malentendu fondamental est que l’incarnation de la politéia et,
par extension, la possession de la compétence politique globale par le corps de
la société des citoyens sont assimilées au régime totalitaire typique qui
utilise comme véhicule l’État/système. Or, c’est oublier que dans la
démocratie, la compétence politique globale ne se transforme pas en
souveraineté politique globale, parce que le sujet de la souveraineté est
absent, à savoir la différenciation entre le détenteur de la compétence
politique globale et le sujet de sa volonté politique. Autrement dit, quand la
compétence politique globale appartient à la société politéiennement
constituée, le concept de souveraineté politique et le sujet de la souveraineté
n’ont pas de substance. Dans la démocratie, la politique est conçue comme un
champ de réalisation de la liberté et non comme une tautologie du pouvoir. Il
serait étrange, de ce point de vue, que la liberté globale de la société soit
égalée au totalitarisme, c’est-à-dire avec un phénomène qui prive totalement de
liberté les membres de la société. Le totalitarisme relève d’époques de mise
sous tutelle sociale et politique de la société, ce qui n’est pas le cas à la
phase de l’achèvement anthropocentrique à laquelle correspond la démocratie.
f. La nation et la liberté de la société des citoyens
Dans le subconscient de la pensée moderne, le fait de placer
la nation comme but concerne la société. La perspective qu’elle projette la
liberté sociale et politique au lieu des droits correspondants représente une
menace non pas pour la liberté individuelle, mais pour l’État politiquement
souverain qui réduit la société des citoyens au statut de particulier. En
d’autres termes, la menace suspendue au-dessus de la liberté individuelle vient
de l’héritage despotique que le système économique et politique réserve à la
propriété différenciée du capital ou de l’État: elle ne vient pas de la liberté
sociale et politique de la société introduite par la démocratie.
Cependant,
l’invocation du concept de citoyen du monde en tant que sujet d’un nouveau
patriotisme ne veut pas dire qu’on cherche à l’inscrire comme détenteur de la
volonté collective et, par extension, comme partenaire institutionnel de la
politéia. Au contraire, l’objectif est de le détacher de la composante cohésive
de son identité collective de sorte à suppléer la réduction de la souveraineté
politique de l’État par les forces intermédiaires et que lui-même soit ravalé,
pour ce qui est du champ des sous-systèmes sociaux et économiques, au statut de
détenteur du travail-marchandise[17].
Autrement dit, la «mondialisation» n’affaiblit pas la nation mais le poids
politique et économique de la société. C’est pourquoi l’enjeu de l’incapacité
de l’État à préserver un équilibre élémentaire entre société et marché et
surtout sa mutation en serviteur totalitaire de la finalité du marché se
déplace sur la question du contrôle du système politique. En dernière analyse,
la question de savoir qui possède la compétence de la nation revient à celle de
savoir qui possède le système politique. C’est là qu’il sera décidé si ce sont
les marchés ou la société des citoyens
qui continueront à dominer politiquement.
Il est évident
que lorsqu’elle invoque des concepts comme «l’internationalisme» ou le
«cosmopolitisme» pour donner des réponses aux questions que pose l’amenuisement
des fondements de la souveraineté politique (intérieure et extérieure) de
l’État, la pensée moderne oublie l’essentiel, à savoir que la politique, sur le
terrain interétatique, constitue le concept d’«ordre», non des systèmes, et en
cela est égale à la force pure; et que sur le terrain intérieur de l’État,
elle est conçue sous l’angle du système, c’est-à-dire comme fonction réglementaire
(la notion d’État de droit)[18]. Plus
simplement dit, cette approche ignore manifestement que le champ
«international» ou, plus correctement, interétatique, au stade statocentrique
du cosmosystème anthropocentrique, ne constitue pas un territoire (cosmo)politéien,
supérieur à l’État, et que, par extension, la citoyenneté n’est pas reconnue
comme institution. Ainsi choisit-elle le concept dépouillé de cosmopolite qui,
auparavant qualité institutionnelle ayant affaire avec un contenu de liberté et
donc avec la participation de son détenteur au système politéien de la
cosmopolis œcuménique, a fini par traduire un comportement privé qui ne
concerne pas des collectivités politéiennes où la liberté est produite et
surtout vécue[19].
Ces
considérations montrent à l’évidence, je pense, que le concept de collectif
dans le devenir actuel de ladite «mondialisation» est affecté dans ses
fondements mêmes, puisqu’il ne prône pas la libération de la société, comme
naguère le projet de nation. Au contraire, il choisit de la mettre encore
davantage sous tutelle ou, plutôt, de la livrer aux rapports de force que
dirigent en l’occurrence les forces du marché intérieur et international[20]. En
tout état de cause, le citoyen est un élément accessoire de l’identité.
L’identité constitue le sujet collectif de la politéia. La citoyenneté, dans le
cadre de la politéia, définit la place qu’occupe son détenteur dans la gestion
de l’intérêt national, c’est-à-dire commun. Cette idée fondamentale affirme que
la citoyenneté n’est pas une, comme le pense la modernité, mais qu’il y a
autant de citoyennetés que de genres de politéias. En effet, la liberté qu’incarne la
citoyenneté dans la démocratie, dans la représentation ou même dans le système
politique pré-représentatif, le seul que connaisse notre époque, est différente[21].
g. Diversité
nationale et multi-culturalité
Aux antipodes, la perception politique de la nation en liaison avec le
développement de la liberté (et non pas statiquement, dans la lignée de la
conception proto-anthropocentrique de «l’appartenance») nous permet d’aborder
la nation sous l’angle de sa diversité interne (identitaire) (qui annonce la
constitution multi-politéienne) et en tout cas comme nation de la société
(politéiennement constituée). La question de la diversité culturelle de la
nation renvoie au phénomène de la substantiation multi-identitaire de l’individu. En effet, chaque d’une
société vivant dans la liberté participe, à la mesure de son identité
individuelle, à de nombreuses autres collectivités spatiales (locales,
régionales, etc.), sectorielles (en vertu de son travail, de sa place sociale,
etc.) et en général culturelles (religieuses, artistiques, etc.). Ces
collectivités, qui relèvent d’autant de représentations identitaires, il exige
au fil du temps de les définir, de leur donner forme, de les gérer, et non
simplement de les porter avec lui.
D’un autre côté,
le phénomène de la diversité nationale
diffère de manière essentielle du principe de la multi-culturalité, qui
relève en fait de la constitution multinationale de la société. La confusion
qui règne de nos jours concernant ces notions est due en large part au fait que
les phénomènes correspondants sont inédits pour les sociétés contemporaines.
D’où la totale incapacité à les situer dans le temps cosmosystémique et, par
extension, à les approcher à la lumière de leurs conséquences[22]. Par
exemple, la diversité culturelle de la nation est perçue comme une menace pour
l’État et la nation de l’époque de la transition anthropocentrique. À l’époque
de l’achèvement anthropocentrique, l’harmonisation de la politéia avec le
dispositif de la diversité de la nation est considérée comme allant de soi.
Dans le même sens, la multi-culturalité qui, en tant que phénomène, apparaît
après l’achèvement du rayonnement géographique du cosmosystème
anthropocentrique[23] est
abordée comme un facteur d’instabilité, plutôt, puisque l’on estime qu’elle
sape la cohésion culturelle et l’unité politéienne de la nation-État. En effet,
elle renvoie au fond à la reconstitution multinationale de la société et de
l’État. Ce phénomène, connu à la phase statocentrique du cosmosystème
anthropocentrique, a retenu l’attention des penseurs de la cité hellénique, qui
en ont montré les conséquences. Il est évident que le débat sur la
multi-culturalité ne se rapporte pas à l’interdiction du phénomène ni à
l’enfermement ou à l’étanchéification des sociétés participant au devenir
cosmosystémique. Le développement des paramètres de l’anthropocentrisme –
l’économie, la communication, le vécu des sociétés dans la liberté, etc. – et
leur diffusion subséquente dans l’espace cosmosystémique sont destinés à
intensifier la mobilité humaine. Les évolutions dans le domaine du travail sont
hautement significatives. Par conséquent, la question se concentre sur la
gestion de l’anthropocentrisme, pour qu’il fonctionne dans le climat de la
logique statocentrique du cosmosystème. À en juger d’après les phénomènes
correspondants de l’époque statocentrique de la cité, on constate que le
phénomène de la multi-culturalité fut géré en termes politiques. Elle fut
admise dans le champ de l’économie, sur lequel fut également transféré le corps
des droits correspondant à la protection du détenteur du travail. Cependant,
elle fut envisagée de manière stricte en ce qui concerne l’inscription de
«l’autre» dans le corps des citoyens. La gestion de la citoyenneté fut l’arme
majeure de la société des citoyens pour préserver la cohésion de la
collectivité identitaire, c’est-à-dire l’unité de la cité et l’intérêt commun.
L’attribution de la qualité de citoyen à un étranger (détenteur du travail
vénal ou métèque) fut mesurée en fait à son degré de familiarité avec le
produit culturel de la cité. De nos jours, l’approche politique du phénomène de
la multi-culturalité à la lumière de l’intérêt de la société des citoyens est
en conflit avec l’intérêt des forces d’au moins une partie de la gauche, qui
tentent de remédier à leur marginalisation politique en s’appropriant
«l’immigration économique» et en l’utilisant comme véhicule pour réduire la
société à l’impuissance politique. Impuissance qui aboutira à transformer le
travail du citoyen de relation de droit public en travail-marchandise. Aux
antipodes, la question de la multi-culturalité a été envisagée de manière
totalement différente à la phase de l’œcuméné, dans le cadre de la cosmopolis.
Plus précisément, alors que dans le statocentrisme, elle est évaluée sous l’angle de «l’incorporation» de «l’autre» à la collectivité
identitaire dominante, elle apparaît dans la cosmopolis œcuménique en termes
d’«autonomie interne». Et cela parce qu’à ce stade de l’évolution
anthropocentrique, les «nations» étaient une partie organique de la
cosmopolitéia et au fil du temps, elles cohabiteront dans l’environnement de
l’idée identitaire de la nation cosmosystème[24].
Il ressort de ces quelques observations que la pensée moderne ne pourra comprendre des phénomènes inédits que si elle construit une nouvelle gnoséologie du phénomène
social, qui résultera non pas de l’expérience de
notre époque simplement proto-anthropocentrique ou d’un exercice intellectuel, mais de la récupération cosmosystémique du paradigme hellénique. J’invoque le paradigme
hellénique parce que c’est le seul exemple historique de constitution du fait
social sur des bases anthropocentriques et que, par
conséquent, il s’offre à la comparaison en termes d’analogie avec le cosmosystème moderne
correspondant.
En somme, la nation en tant qu’identité culturelle est un trait inhérent de toute
société anthropocentrique qui constitue le paramètre distinctif de sa collectivité
(concept de conscience de société).
Sur le terrain politique, la nation condense le produit
de la liberté qu’elle incarne. Ce produit de la liberté, attaché comme élément constitutif à l’identité collective,
a un développement variable selon la phase anthropocentrique que traverse le
cosmosystème global. Ainsi, à la phase proto-anthropocentrique, la nation se
détache de son détenteur naturel, la société, afin de servir la légitimation de
la politéia possédée en propriété par l’État. Aux antipodes, la responsabilité
de la nation dans la société anthropocentriquement achevée de la démocratie est
dévolue à la compétence de cette dernière, précisément parce que la liberté
globale impose que la politéia soit incarnée par elle. À la phase de la cosmopolis
œcuménique (cosmo-État), les identités
«statocentriques» cohabitent dans une identité
de même calibre, c’est-à-dire œcuménique: dans le cosmosystème
anthropocentrique à petite échelle, elle a été incarnée par l’hellénisme, et dans le cosmosystème
anthropocentrique à grande échelle, elle reste à préciser. En tout état de
cause, le paradigme cosmosystémique hellénique et, dans ce cadre, le passage de
l’hellénisme de la
nation-cosmosystème à la nation-État s’offrent comme le seul laboratoire
possible pour la construction d’une gnoséologie globale alternative, capable de
conduire à l’auto-connaissance, à la
compréhension d’ensemble du phénomène social et, au-delà, à un diagnostic sûr de la perspective du monde moderne.
Ainsi la gnoséologie de la
nation, évoquée plus haut dans ce travail
et qui concerne aussi la période anthropocentrique de la grande échelle
cosmosystémique que vit actuellement l’humanité, doit-elle être combinée à la problématique de la nation-cosmosystème hellénique, dans la
mesure où cette dernière relève d’un parcours évolutif achevé du devenir
anthropocentrique.
C’est précisément cette combinaison du paradigme
anthropocentrique global – à petite et à grande échelle – qui est destinée à
éclairer le véritable caractère des différents
phénomènes sociaux ou de leurs phases à la
lumière d’une gnoséologie globale. Laquelle, une fois qu’elle aura doté de la
maturité nécessaire l’arsenal cognitif du monde
moderne, devrait être capable à elle seule de pousser le monde moderne à sortir
de son «enfance».
Épilogue
Il
ressort de tout ceci, que ce qui s’accomplit dans le cadre de l’Europe
politique rappelle le paradigme de la cosmopolis œcuménique
issue du monde hellénique. Le cas de l’U.E. se distingue cependant de la
cosmopolis quant à leur phase respective, dans la mesure où notre époque se
situe dans la phase proto-anthropocentrique et par la suite stato-centrique du
devenir cosmosystémique global. Dans ce climat, l’Europe politique est appelée
à conjuguer l’identité multiculturelle qui émane de ses États-membres, avec les
servitudes d’un système pré-représentatif (et évidemment non démocratique),
d’où est absente la société des citoyens comme catégorie politique. Et de
surcroît, avec la nature de l’Europe politique, qui laisse la question de la gestion
de l’identité européenne globale, sous la coupe des institutions des
États-membres qui ont vocation de gérer en priorité l’intérêt de la nation.
Par
conséquent, le questionnement sur la nation apparaît comme l’indicateur commun
du degré de correspondance des politiques de l’État (et de l’Europe politique),
avec l’intérêt de la société. Et cet indicateur interroge sur qui, de l’État ou
de la société, gérera l’intérêt de la nation, ainsi que sur le rapport de la
nation avec la société.
Sous-jacente à ce dilemme, est la distinction entre « la nation de l’État » et « la nation de la société », qui renvoie au genre de système politique et au-delà à sa constitution plurielle. La nation de l’État définit le système politique comme tautologie de l’État. La nation de la société attribue en partie (dans le cas de la représentation) ou en entier (dans le cas de la démocratie) le système politique à la société des citoyens constituée politiquement.
Sous-jacente à ce dilemme, est la distinction entre « la nation de l’État » et « la nation de la société », qui renvoie au genre de système politique et au-delà à sa constitution plurielle. La nation de l’État définit le système politique comme tautologie de l’État. La nation de la société attribue en partie (dans le cas de la représentation) ou en entier (dans le cas de la démocratie) le système politique à la société des citoyens constituée politiquement.
En
d’autres termes, tant sur le plan de l’Europe politique que
sur celui des États, la “nation de la société” renvoie à la
perspective d’une intégration institutionnelle de la société des citoyens dans
le système politique. Intégration qui est destinée à rééquilibrer la relation
entre la société et les marchés, et au fond, à faire naitre la nouvelle
liberté à acquérir, la liberté politique. En somme, on évoque le passage du
système pré-représentatif actuel à la représentation et à long terme à la
démocratie.
[2] Ce débat a constitué pendant plusieurs années l'objet
du premier master européen de science politique, qui a réuni les synergies des
trois universités (l'IEP de Paris, l'Université Catholique de Louvain et
l'université Panteion d'Athènes). La Revue
internationale de politique comparée a consacré à ce projet un numéro sous
le titre : Les identités
territoriales (1/1998).
[3] E. Hobsbawm, journal grec Eleftherotypia
du 27-3-1995. Pour plus de détails, voir E. Hobsbawm, Nations et
nationalisme depuis 1780: Programme, mythe, réalité, coll. folio histoire,
2002. L’ensemble de la science sociale moderne
adhère à cette interprétation de la
nation. Voir à titre indicatif E. Gellner, Nations et nationalisme,
Bibliothèque historique Payot, 1999; Max Weber, Relations ethniques et communautés politiques, Athènes, 1997; A. Smith, National Identity, 1991; E. Kentouris, Le nationalisme, Athènes, 2005; Markus Banks, Ethnicity: Anthropological
Constructions, Londres, Routledge, 1996; G. Haupt, M. Lowy, Cl. Weill, Les
marxistes et la question nationale, 1848-1914, Paris, 1974; Cl. Nicolet, La
fabrique d'une nation. La France entre Rome et les Germains, Paris, 2003;
Anne-Marie Thiesse, La création des identités nationales. Europe XVIIIe-XXe
s., Paris, 1999.
[4] E. Hobsbawm, op. cit.
[5] B. Anderson, Imagined
Communities: Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, 1983. Les
historiens «modernistes» grecs n’ont toutefois pas pu concevoir cette
différenciation de la pensée moderne concernant l’opposition entre centre et
périphérie. Il ne fait aucun doute que la certitude que la nation est une
création artificielle au service de l’État
reste au cœur de cette différenciation.
[6] Plus de détails dans G. Contogeorgis, La démocratie
comme liberté. Démocratie et représentation,
Athènes, 2007.
[7] Je m’empresse de
préciser ici certains concepts clés pour la
compréhension de l’argumentation. L’anthropocentrisme
définit les sociétés constituées sur le soubassement de la liberté. Les
sociétés qui reposent sur l’appartenance de leurs membres au maître du système
sont dites despotiques. Le cosmosystème définit un ensemble de sociétés dotées
d’une cohérence interne et d’une autarcie et ayant en commun des paramètres
fondamentaux, des déterminants axiologiques, idéologiques et culturels. J’établis une distinction
entre cosmosystème despotique et cosmosystème anthropocentrique. Le
cosmosystème anthropocentrique se rencontre constitué sur une petite échelle et
sur une grande échelle. Le cosmosystème anthropocentrique à petite échelle a
pour soubassement l’environnement communicationnel naturel, pour société fondamentale
la cité, et il a un arrière-plan géographique limité. Je l’appelle aussi
cosmosystème hellénique parce qu’il a été constitué par l’hellénisme, qui a conservé sa direction anthropocentrique
jusqu’à la fin, malgré l’arrivée à certaines époques d’autres peuples qui
souvent l’ont d’ailleurs dominé politiquement, en totalité ou en partie. Le
cosmosystème hellénique ou anthropocentrique à petite échelle a parcouru un
trajet évolutif complet, qui se distingue en deux phases: la phase
statocentrique et la phase œcuménique. La phase œcuménique ne rejette pas la
société fondamentale de l’État, mais l’inscrit comme partie constitutive de la
cosmopolitéia, le système politique de la cosmopolis. Le cosmosystème
anthropocentrique à grande échelle (ou cosmosystème ethnocentrique) a résulté
du transvasement des paramètres du cosmosystème anthropocentrique à petite
échelle dans le despotisme européen. La reconstitution du cosmosystème
anthropocentrique sur la base de la grande échelle lui a permis de s’imposer
sur l’ensemble de la planète. La phase que traverse actuellement ce
cosmosystème est la phase proto-anthropocentrique: elle a à son actif la
libération de la société par rapport à la propriété, mais non au système en soi
(économique, social et politique). C’est pourquoi elle ne garantit que la
liberté fondamentale, la liberté individuelle, alors que dans l’ensemble, le
cosmosystème est constitué statocentriquement, c’est-à-dire que l’ensemble du
cosmosystème est conçu comme l’addition des sociétés fondamentales qui en font
partie. Par conséquent, le monde actuel ignore la phase suivante, la phase
post-statocentrique ou œcuménique, dans laquelle les sociétés
fondamentales/États cohabitent sous le toit de la politéia universelle supérieure, la cosmopolis (ou le cosmo-État).
La base fondamentale de la constitution de la «société de vie» dans le
cosmosystème anthropocentrique à grande échelle est l’identité collective de la
nation, nation qui se rencontre sous le toit commun du territoire étatique.
[8] Sur cette question majeure,
voir G. Contogeorgis, Le cosmosystème hellénique, t. 1, Athènes,
2006, p. 17 et suiv.; du même, Nation et
modernité «modernisatrice», Athènes, 2006, p. 21 et suiv. Voir aussi, Décembre 2008. Les jeunes, la liberté et
l’État, Athènes, 2009,
p. 163 et suiv.
[9] Voir à titre indicatif R. Carré de Malberg, Contribution
à la théorie générale de l'État, Paris, 1920.
[10] Ibid. Voir aussi G. Burdeau, Traité
de science politique, t. 4, Paris, 1969. Inutile de souligner que la collectivité identitaire
ne se développe pas dans un contexte étanche aux influences extérieures. Par
conséquent, si le système politique ou, en un autre sens, l’État n’est pas le
créateur du phénomène identitaire, il n’en dispose pas moins d’une forte
possibilité d’influer sur lui. D’ailleurs, l’axe fondamental de ma problématique enseigne que la relation entre
nation, société et État dépend de la phase d’anthropocentrisme que traverse le
cosmosystème anthropocentrique.
[11] Bien qu’elle fasse
partie intégrante de la problématique de l’identité
collective, la liberté sociale nous retiendra peu ici. Pour mieux comprendre ce
phénomène majeur, voir G. Contogeorgis, Systèmes économiques et liberté,
Athènes, éd. Sideris, 2010,et Citoyen et cité. Concept et typologie de la
citoyenneté, Athènes, éd. Papazisis, 2003.
[12] Sur cette question
capitale, voir G. Contogeorgis, La démocratie comme liberté. Démocratie et représentation, op. cit., et La théorie des révolutions
chez Aristote, Paris,
LGDJ/Montchrestien, 1978.
[13] La modernité l’admet
d’ailleurs, sous une forme
différente: parce que, prétend-elle, la démocratie
«contemporaine» est supérieure,
ou les États trop grands, ou les sociétés trop complexes, etc. Pour plus de
détails, voir G. Contogeorgis, La démocratie comme liberté, op. cit.
[14] Pour plus de détails,
voir G. Contogeorgis, «État et auto-administration dans le contexte de la mondialisation», dans
A. Makrydimitris (dir.), Auto-administration
et État dans le cadre de la mondialisation,
Athènes, 2003, p. 17-77; du même, Décembre 2008. Les jeunes, la liberté et l’État, op. cit.
[15] Ibid., p. 164.
[16] Voir le dialogue entre
le paradigme cosmosystémique hellénique et
celui de la modernité que
je développe dans mon travail La démocratie hellénique de Rigas Velestinlis,
Athènes, 2009.
[17] Comme l’immigré économique. Pour plus de détails, voir G. Contogeorgis, Systèmes économiques, op. cit.
[18] G. Contogeorgis, «La crise de la paix et
les racines de la guerre. Le déficit interprétatif de la modernité», Estudos
do seculo XX, (Les crises du XXe siècle), no 10,
Coimbra, Imprensa da Universidade de Coimbra, 2010.
[19] Voir sur ce point Décembre
2008. Les jeunes, la liberté et l’État, op. cit., p. 174-175.
[20] Ibid.
[21] J’entends par système
politique pré-représentatif le système politique qui tend à la représentation
sans être représentatif du point de vue
essentiel. On en a un exemple typique avec le système politique contemporain,
qui proclame son caractère représentatif
alors qu’en réalité,
l’État s’est approprié son signe représentatif. Le système politique
pré-représentatif dans la cité-État fut appelé aisymnétie. Dans ces deux
périodes, le système pré-représentatif se combine avec sa déviation
autoritaire. Voir plus de détails dans G.
Contogeorgis, La démocratie comme liberté, op. cit.; Citoyen et cité, op. cit.;
Décembre 2008. Les jeunes, la
liberté et l’État, op. cit.,
p. 175-176. Cela explique aussi pourquoi la modernité ne peut concevoir la
politéia et l’État comme des concepts distincts et, par conséquent, la nation
comme une conscience de société, c’est-à-dire comme une identité rattachée de
manière inhérente à sa substance anthropocentrique.
[22] Sur ce débat, voir Dominique Collas, Citoyenneté
et nationalité, Paris, Gallimard, 2004; Gérard Noiriel, État, nation et
immigration, Paris, Gallimard, 2001; Julia Kristeva, Étrangers à nous
mêmes, Paris, Flammarion, 1988.
[23] De nos jours, ce phénomène est traduit à tort par le concept de mondialisation.
[24] Sur cette question, voir G. Contogeorgis, «Culture et politéia. Les fondements de la culture
politique», dans Chr. Konstantopoulou (dir.), «Nous» et «les autres».
Référence aux tendances et aux symboles, Athènes, 1999, p. 61 et suiv.
3 σχόλια:
Εχετε απολυτο δικιο. Αλλα δεν ξερω Γαλλικα :P
Merci beaucoup de vos écrits régulièrement édifiants.
Mais qui apprend en souhaite toujours plus...
Veuillez m'excuser, Monsieur, vous qui avez dirigé ERT et qui avez tenu de hautes responsabilités au sein du Ministère de la Communication, il me semble, que pensez-vous du projet NERIT SA ?
Y aurait-il de la place pour prévoir une consultation citoyenne par ses créneaux en vue d'une amorce de démocratie directe ?
Disponible également ici !
https://www.facebook.com/notes/georges-contogeorgis-en-fran%C3%A7ais/la-nation-de-l%C3%A9tat-face-%C3%A0-la-nation-de-la-soci%C3%A9t%C3%A9-des-citoyens/594091883956085
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