Georges Contogeorgis
L’Europe politique: quel avenir ?
1. Toute réflexion sur l’avenir de l’Europe politique exige la prise en compte de trois facteurs, constitutifs de son sort: son statut actuel et sa dynamique interne, qui nourrissent son existence; le discours qu’elle projette concernant son avenir idéal; l’environnement international dans lequel elle se situe.
Une première remarque est que l’Europe géographique et culturelle diffère de l’Europe politique, cette dernière étant plus restreinte. Est-il légitime de mettre de côté l’Europe géographico-culturelle, qui renvoie à l’identité globale, pour constituer une Europe politique qui ne représente qu’une certaine idée de l’Europe ? Faut-il admettre que l’Union européenne forme la base institutionnelle d’une Europe politique qui a vocation d’intégrer le Vieux Continent tout entier ? Quelle est, en dernière analyse, la relation entre identité européenne et Europe politique ? Et comment va-t-elle évoluer ?
Une deuxième remarque concerne plus particulièrement la relation entre identité et politique dans le cadre de l’Union européenne. Nous savons bien que selon la doctrine de la modernité, la responsabilité de l’identité nationale est laissée à l’État. L’État souverain étant déclaré détenteur unique du système politique et, au-delà, de la gestion des affaires de la société, il est aussi censé définir authentiquement le contenu et la finalité de la conscience collective, en l’occurrence nationale. L’Europe politique est assurément transformée, de sujet de relations internationales (de type ONU, OTAN, etc.) en un système politique réunissant des États indépendants. Dans ce nouveau cadre, il convient de savoir qui est le responsable politique auquel appartient la gestion de l’identité et, en dernière analyse, des intérêts européens: les États membres ou les instances européennes du système ?
Le préalable à ces deux remarques est relatif à la problématique concernant la puissance mobilisatrice et, au-delà, le poids politique de l’identité collective européenne. Y a-t-il une identité européenne qui soit capable de soutenir le projet politique de l’Europe ? Dans l’hypothèse où cette identité existerait, il convient de savoir quels en seraient les fondements et essentiellement le poids par rapport à d’autres facteurs tels que le facteur géopolitique ou celui de la pluralité identitaire européenne. Et dans ce cas, l’identité européenne est-elle capable d’agir en termes d’identité globale, de sorte à intégrer ou du moins à héberger les identités disparates du Continent, voire à éveiller les Européens ? Et en l’occurrence, dans quelles frontières ?
En fait, la question des frontières politiques de l’Europe est d’un ordre différent, et la réponse dépendra de la capacité de l’Europe politique à articuler les identités et les intérêts particuliers sous l’angle d’un projet global. Ainsi revient-on au projet de système politique européen qui conviendrait le mieux à cette Europe plurielle.
2. La question de savoir si le système politique de l’Union est en mesure de soutenir ce projet nous ramène à l’examen de sa nature. En effet, on ne se rend pas compte que l’Europe politique forme une union d’États, c’est-à-dire que les États membres incarnent le système politique européen. Ce système ne doit pas être confondu avec le système fédéral ou confédéral. Il n’est pas non plus inédit, comme on le croit parfois: le système politique européen rappelle, d’une manière homothétique, les sympolitéia grecques dont le modèle le plus achevé est celui de la période hellénistique, juste avant la conquête romaine. Ce terme, composé de deux mots, «syn» et «politéia», définit le fait de la synthèse, de la réunion d’États indépendants.
La référence au précédent du cosmosystème hellénique n’a pas l’intention de déplacer la discussion dans l’histoire. Elle vise à souligner son importance pour relever les circonstances dans lesquelles on voit naître le phénomène, les formes qu’il revêt ainsi que les conditions qui le font évoluer ou disparaître.
On présume alors qu’à la différence de la fédération, la sympolitie apparaît quand le cosmosystème anthropocentrique est déjà consolidé sous sa première phase statocentrique, c’est-à-dire en États indépendants. La sympolitie répond en l’occurrence au besoin d’une reconsidération des relations des forces au sein du cosmosystème global et non pas à un projet de société politique fondateur. Au contraire, les États nations indépendants ou fédéraux sont nés dans le courant du XIXe siècle et de la première moitié du XXe, pour servir la cause de la société globale politiquement constituée d’un cosmosystème anthropocentrique naissant . On peut supposer que si le projet de l’Europe politique était apparu au cours du XIXe siècle, son système aurait été fédéral.
J’entends par là que depuis, la priorité politique des identités collectives a changé. Au niveau national, il ne s’agit pas de supprimer le différent ou, du moins, d’assimiler «l’autre», mais de l’intégrer, voire de valoriser son statut sous l’angle de la liberté. Ainsi, l’identité nationale étant acquise, le projet politique européen doit en tenir compte. Cela signifie que, plus que l’État-nation, l’Europe politique est appelée à reconnaître formellement l’autonomie politique de «l’autre» politique pour exister.
En somme, au stade où nous en sommes en Europe, ni l’identité européenne ni le système politique de l’Union européenne ne peuvent s’inspirer du précédent de l’État-nation, voire de la fédération, et donc se passer de la pluralité identitaire et du statut statocentrique de l’Europe. Et il en ira ainsi à l’avenir.
3. D’autre part, la géopolitique a conditionné dès le début la naissance de l’Europe politique. En effet, la Communauté européenne est apparue au moment où les rapports de forces au sein du cosmosystème planétaire changeaient de façon dramatique. Le centre de la puissance mondiale se déplaçait vers l’Europe de l’Est et vers l’Amérique, mettant les États européens jadis hégémoniques dans une situation d’infériorité. En même temps, cette situation était chargée des totalitarismes qui avaient précédé et des ruines de la guerre, ainsi que du choc provoqué par la division socio-économique du monde.
Les initiatives européennes répondent essentiellement à ces préoccupations. Aussi longtemps que les puissances européennes ont été assurées de la direction du monde, la question de l’Europe politique ne s’est pas posée. Le fait que la Grande-Bretagne adopte une attitude sui generis vis-à-vis de l’Europe politique s’explique précisément par sa place particulière dans l’axe anglo-saxon qui dirige le monde.
La dimension géopolitique s’avère donc le facteur par excellence pour que les patriotismes nationaux cherchent à découvrir l’identité européenne pour s’y réfugier. La géopolitique restera aussi fondamentale pour leur équilibre dans l’avenir. L’importance du facteur géopolitique tel qu’il se présente sur le continent européen explique le phénomène, que nulle part dans le monde les identités périphériques (par exemple celles des Arabes) n’ont réussi à prendre le pas sur les identités nationales.
Quoi qu’il en soit, la création de l’Europe économique et ensuite de l’Europe politique fut le résultat de compromis entre les Européens qui se rencontraient autour de l’axe franco-allemand et les Anglo-Saxons. Un compromis qui consistait à ménager les intérêts des premiers sans contester le leadership des seconds. Le recours à l’identité européenne fut nécessaire pour légitimer une option politique, sans que cela laisse entendre qu’elle fut forgée par les pères fondateurs ou par l’Union. Les Européens se reconnaissaient comme tels bien avant.
Souvent dans l’histoire, surtout au moment de la menace ottomane sur Constantinople, la solidarité européenne –c’est-à-dire la dimension politique de l’identité européenne– fut évoquée pour instaurer une synergie politique contre l’ennemi extérieur. Pourtant, c’est avec le projet de l’Europe communautaire que l’identité européenne a acquis une vraie dimension politique.
4. Entre-temps, on dut dépasser les tentations d’une définition à la carte de l’identité européenne selon les priorités de ceux qui avaient le pouvoir dans l’évolution. Pour cela, on essaya de transcrire l’incarnation de l’identité nationale par l’État-nation dans les instances européennes. Selon cette opinion, appartenaient à l’Europe les sociétés qui faisaient partie des institutions européennes. En tout cas, elles étaient de vrais Européens. Les sociétés socialistes ne partageaient pas les valeurs de la civilisation européenne.
Parmi les hommes politiques, Charles de Gaulle fut le premier à ré-identifier le projet de l’Europe politique avec sa géographie: il a parlé de l’Europe de l’Atlantique à l’Oural.
En découvrant à «l’autre» Europe l’allié contre l’axe anglo-saxon, De Gaulle avait réalisé un grand pas. Il avait légitimé la pluralité de l’identité européenne. Une pluralité qui tiendrait compte à la fois des voies historiques différentes des peuples de l’Europe et de leur fonds commun: le fonds du cosmosystème anthropocentrique hellénique, l’acquis de l’imperium romain et la religion chrétienne attachée à ce fonds commun.
Du même coup, il soulevait la question d’un projet européen qui viserait au dépassement des deux camps idéologiques et à la revendication d’une Europe politique et libre à la hauteur de son passé historique. De Gaulle avait sans doute le souci d’un retour en force des anciennes puissances continentales dans le monde, mais la dynamique de son projet allait plus loin.
L’effondrement du camp socialiste a révélé que les valeurs anthropocentriques européennes (la liberté, le pluralisme politique et identitaire, la quête de la prospérité collective et individuelle, etc.) constituaient un «argument» solide, capable d’alimenter la dynamique de l’Union. Leur avantage est qu’elles profitent à ses membres tout en laissant l’espace libre au développement de différences identitaires fortes.
5. Cet avantage de l’Europe politique contient aussi en germe sa faiblesse. On a déjà remarqué que la sympolitie laisse aux États l’essentiel de la gestion de l’identité globale. À savoir que les États membres sont à la fois responsables de la gestion de l’intérêt particulier/national et de l’intérêt global/européen. Ce qui fait que l’espace public européen est souvent occulté derrière les espaces publics nationaux. Si, donc, il y a un conflit entre les deux, l’État membre optera plutôt pour l’intérêt national. Dans tous les cas, l’intérêt européen est vu sous l’angle de l’intérêt national.
Pourtant, la sympolitie, à l’encontre de l’État unitaire ou fédéral, n’introduit pas de limites nuisibles à la pluralité nationale et ne constitue pas de ce point de vue une source de conflit. L’exemple belge ou celui des fédérations socialistes est en cela didactique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’Europe des régions n’a pas avancé au niveau des instances de l’Union.
De plus, le paradigme hellénique prouve que ce n’est pas le système sympolitéien qui ne parvient pas à équilibrer les intérêts particuliers (nationaux, ethniques, régionaux, etc.) avec l’intérêt général/européen. Cette difficulté est le résultat de son caractère inachevé plutôt qu’inhérent à son type idéal.
En effet, on a déjà noté que l’Union européenne forme un système politique sans État. Les caractéristiques qui révèlent sa nature inachevée sont essentiellement liées à l’absence de politique extérieure et de défense, propre à l’Union . L’Europe politique garantit à ses membres la stabilité politique, la prospérité, les libertés et beaucoup d’autres avantages. Mais les États membres sont invités à se débrouiller seuls dans l’arène internationale .
Prenons l’exemple des pays de l’Europe Centrale. Tout de suite après l’effondrement du camp socialiste, ils ont opté pour l’Union européenne. Pourtant, ils ont, en même temps, cherché aux États-Unis leur refuge pour leur sécurité extérieure. Or, il est largement connu que par l’intermédiaire de ces pays, les États-Unis sont devenus des partenaires des décisions de l’Union.
6. Cela montre que l’avenir de l’Europe politique dépend prioritairement de sa relation vis-à-vis des États-Unis. Le choix entre une relation de dépendance complémentaire ou une relation de partenariat avec les États-Unis part largement de l’approfondissement du système européen et plus concrètement de sa transformation en État sympolitéien. Sans cette évolution, l’Europe politique ne parviendra pas à offrir à ses membres la sécurité nécessaire ni à gérer ses ambitions mondiales.
Cette transformation de l’Europe politique sans le consentement des États-Unis est-elle faisable ? Sinon, dans quelles conditions ce consentement serait-il donné ? Je considère que cette optique n’est pas réaliste tant que l’environnement international et, en l’occurrence, la position dominante des États-Unis dans le monde ne changent pas.
En effet, l’alliance entre les pays européens et les États-Unis a été établie sur un concept qui articulait l’idée de l’Occident et l’idée du système libéral. Pourtant, tout comme dans le cas de l’idée européenne, à l’époque, le concept d’Occident a été perçu d’une manière restrictive. Il refusait d’admettre que l’Europe de l’Est participe au même destin gréco-romain et, au-delà, anthropocentrique; et que le système socialiste était né dans des pays d’Europe occidentale. En même temps, on assiste à une tentative de définir une réalité d’ordre cosmosystémique –le cosmosystème anthropocentrique en général– sous l’angle de la géographie occurrentielle –l’Occident– dans le but de servir des objectifs de puissance.
Dans le cadre cosmosystémique d’ensemble, l’Occident constitue une subdivision interne du monde issu du précédent gréco-romain, à savoir du cosmosystème anthropocentrique à petite échelle fondé sur la cité. On oublie que le concept même d’Occident est né à Constantinople afin de distinguer les deux côtés du cosmosystème hellénique qui, par la suite, ont servi pour la description des deux parties de l’Empire romain. L’Occident n’est donc que l’une des deux parties du Continent, celle qui, après être passée au cosmosystème despotique (au féodalisme) a constitué l’espace vital de l’hellénisme, au même titre que l’Europe de l’Est, et trouvé ainsi la voie de la Renaissance.
Le retour en force au concept d’Occident après la Deuxième Guerre mondiale a servi, en dernière analyse, la consolidation et la légitimation de l’hégémonie anglo-saxonne sur l’Europe de l’Ouest et dans le monde. Ce déséquilibre au sein du camp dit occidental est à l’origine des difficultés que rencontre le processus de constitution politique de l’Europe. Le dilemme approfondissement ou non, élargissement ou non, de l’Europe politique est conditionné par la difficulté du Vieux Continent à réunir ses forces et contrebalancer la puissance des États-Unis.
Cela étant, on peut aisément comprendre pourquoi l’élargissement récent de l’Union européenne vers l’Est a renforcé le poids du facteur anglo-saxon et, au-delà, les obstacles que doit surmonter le courant de l’approfondissement. Les États-Unis se sont en fait installés au centre de l’Europe, et via leur rôle de protecteur à l’égard de l’ennemi d’en face, comme facteur institutionnel du système politique de l’Union.
On présume alors que si l’Europe politique n’entend pas se transformer en partie intégrante d’une confédération de fait des États-Unis, il faudra rétablir les équilibres au sein du dit Occident, par l’affirmation de sa volonté politique. Rétablissement qui serait l’effet soit d’un réaménagement des rapports de forces entre eux, soit de l’intervention de facteurs externes, par exemple du monde russe ou chinois.
7. En ce sens, il est temps de se demander si l’Europe et essentiellement les pays qui se posent en bastions de l’approfondissement disposent d’une volonté d’indépendance affirmée. Une telle volonté exige à son tour la mise en avant d’une politique qui consisterait à soutenir une stratégie européenne propre dans le monde. Or, il n’y en a pas. Il semble que l’Europe politique se sente plus ou moins à l’aise de profiter de l’hégémonie américaine, c’est-à-dire sans s’exposer aux sacrifices ni au risque de voir la classe politique se heurter à une réaction de l’opinion déjà sensible à une politique impériale.
L’Europe, semble-t-il, n’a plus de volonté de puissance. Les États-Unis, en étant le gendarme du monde, garantissent aux Européens le contrôle des matières premières, la sécurité et le commerce international, un système de communication incomparable, en somme un rapport de forces favorable à leur action. Cela explique en fait l’hypothèse qui a été avancée plus haut, à savoir que le ralentissement de l’approfondissement de l’Europe politique se situe dans le cadre d’un compromis qui arrange les partenaires occidentaux. Un compromis qui résume les deux projets pour l’Europe et s’exprime par le choix d’un chemin qui consiste à faire évoluer le système européen à petits pas.
La question de la Turquie est devenue, en l’occurrence, un enjeu majeur car la décision concernant l’entrée ou non de ce pays dans l’Union conditionnera définitivement l’avenir de l’Europe politique. Pour plusieurs raisons, aussi longtemps que la Turquie n’intégrera pas l’Union européenne, l’évolution de l’Europe politique dépendra de la capacité des États-Unis à assurer le leadership du monde. L’entrée de la Turquie pèsera irréversiblement en faveur d’une Europe politique conditionnée par l’idée de marché, à savoir «américaine». L’axe franco-allemand ne sera plus en vue, l’homogénéité identitaire européenne non plus. Le fonctionnement du système politique de l’Union dépendra essentiellement de ce pays, autant que la mise en place de politiques telles que la défense et la politique étrangère. Enfin, les équilibres économiques s’inverseront au fur et à mesure que l’Europe entière devra financer le développement de la Turquie.
Pour certains, la solution serait la création de deux Europes: l’une politique, l’autre plutôt économique. Cette idée, pourtant, oublie qu’elle présuppose la dissolution et la reconstitution de l’Union européenne, car le système politique exige l’unanimité.
Les fardeaux géopolitiques de l’Union et ses hétérogénéités internes, qui empêchent son évolution en État sympolitéien, montrent d’autre part pourquoi la question du monde russe ne peut pas se poser. En effet, l’alternative d’une intégration de ce monde dans l’Union européenne s’oppose à la stratégie du camp anglo-saxon tout autant qu’aux équilibres qui se sont installés en son sein.
Pourtant, à la différence de la Turquie, l’entrée des pays russes dans l’Union renforcerait sa volonté d’indépendance vis-à-vis du monde anglo-saxon, en échange d’un risque imminent de voir l’épicentre de la puissance européenne se transférer vers l’Est. C’est cette perspective, qui soulèverait la question d’une reconsidération de la division historique du Vieux Continent, qui empêche toute discussion sur les avantages économiques et géopolitiques de la transformation de l’espace russe en zone vitale interne, à savoir exclusive, de l’Europe politique.
8. Un autre aspect de la problématique sur l’avenir de l’Europe politique a affaire avec l’évolution anthropocentrique du cosmosystème moderne.
Jusqu’ici, nous avons envisagé les paramètres qui jouent sur l’avenir de l’Europe sous l’angle de la relation existant entre le social et le politique. Or, on ne se rend pas compte que le système politique moderne, malgré ce que l’on dit, est de nature proto-anthropocentrique et, en ce sens, pré-représentative. Dans ce cadre, le destin de l’Europe appartient largement à la responsabilité de la classe politique et, au-delà, dirigeante.
Que se passerait-il alors dans l’hypothèse où, indépendamment des changements de la carte géopolitique, le système politique évoluerait avec l’installation de la société des citoyens en son sein ? Malgré ce que l’on croit, cette hypothèse n’est plus du tout utopique.
On assiste déjà à une contestation croissante du système politique national et européen qui, pour l’instant, est d’ordre moral. On accuse son déficit représentatif/démocratique sans se rendre compte qu’on demande à la classe politique de se comporter selon les normes d’un autre système, qui n’est pas la réalité. En effet, selon le système en place, l’État est destiné à servir la nation, l’intérêt général, mais certainement pas la société tout court.
Dans l’hypothèse où les systèmes nationaux et européen évolueraient en système représentatif, les répercussions sur l’environnement géopolitique, interne et externe, seront importantes. Le leadership des États-Unis se posera en termes fondamentalement différents, tout autant que la perspective institutionnelle de l’Europe politique. En même temps, au fur et à mesure que les sociétés de citoyens assureront la qualité de mandant, l’agora politique imposera sa suprématie à l’agora économique.
9. Au point où nous sommes arrivés, force est de se demander quel pourrait être le choix politique pour l’Europe.
On peut supposer qu’aussi longtemps que l’Europe politique conservera son attractivité en matière de prospérité et de liberté, en d’autres termes par son modèle de vie, elle sera recherchée par les autres et elle continuera à intéresser ses membres. Il ne faut pas sous-estimer non plus le rôle de l’Europe politique sur la scène internationale. Elle constitue en effet un facteur de stabilité et de sécurité pour ses peuples ainsi qu’un élément de régulation et d’équilibre au niveau planétaire.
On pourrait même dire que ce rôle se conjugue à ce qui peut être la perspective d’une transformation représentative du système interne. Car, en fait, si les choses internes et externes n’évoluent pas ensemble, on risque de se retrouver accroché au sillage des autres.
Entre les deux, je suis convaincu que, du moins à moyen terme, l’Europe politique va continuer à vivre dans l’ombre des États-Unis et, par conséquent, à s’accommoder d’un système politique sympolitéien inachevé, c’est-à-dire sans État.
Dans les circonstances actuelles, le fait que l’Europe politique existe est déjà un événement de première importance. D’autant plus que la modernité oublie souvent que la longue histoire n’a pas encore valorisé son propre exemple et ne représente pas un paradigme de profondeur historique.
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