Médias et système politique. L'enjeu
politique du pluralisme culturel[1]
Georges CONTOGEORGIS[2]
Résumé: Cet article pose le
cadre politique général dans lequel se situe la gestion de tout autre
phénomène, tel que la diversité culturelle (et les minorités). La nature
pré-représentative du système politique moderne définit de manière restrictive
la diversité culturelle et le statut des minorités, avec l'exclusion de leur
expression politique. En même temps, la constitution du système des médias en termes
de propriété, est à l'origine du fait que la politique, la culture etc. font
l'objet d'appropriation et se transforment en « produits » et, par
extension, transforment la société des citoyens en simples consommateurs,
inféodés à la volonté du propriétaire du média. L'auteur prend comme exemple la
gestion du phénomène politique par les médias, considéré comme
« l’épicentre » qui conditionne le statut et le fonctionnement des
phénomènes particuliers, y compris la question du pluralisme culturel. En somme
la problématique développée sur le phénomène politique vaut aussi pour la
gestion de la diversité culturelle dans les pays de la modernité. Les médias,
les technologies de la communication en général, s'érigent ainsi en vecteur
d’une transformation substantielle du système, qu'il soit politique, économique
ou culturel.
Summary
This article establishes the general political framework within which lies
the management of every other phenomenon, such as cultural diversity (and
minorities). The pre-representative nature of the modern political system
narrowly defines cultural diversity and the status of minorities, ruling out
their political expression. At the same time, the constitution of the mass
media system in terms of ownership is the cause of the fact that politics,
culture, etc. are subject to appropriation, their transformation into
« products » and, by extension, the transformation of the society of
citizens into one of mere consumers, “feudalist” subjects of the owner of the
media. The author cites the example of the handling of the political phenomenon
by the media, considered the « epicenter » that determines the status
and function of other more particular phenomena, including the matter of
cultural pluralism. In short, the question developed on the political
phenomenon also applies to the management of cultural diversity in the
countries of modernity. The mass media, communication technologies in general,
are transformed into a means for a fundamental metamorphosis of the political,
economic or cultural system.
La place des médias dans le monde
contemporain est conditionnée par un certain nombre de fondements communs à
toute société, de sorte que leur rôle se différencie dans les détails. Quoique
ces détails méritent d'être signalés et étudiés, surtout s'il s'agit de la
gestion de questions majeures de la société, telles que la culture, la
politique, la vie quotidienne ou les affaires mondiales, leur point de
rencontre au niveau de leur fonctionnement, soulève une problématique quant aux
changements profonds qui touchent l'essence du système socio-économique,
politique et culturel moderne. Le regard que nous posons sur les médias, et plus spécialement les médias de l’audiovisuel (en priorité la
télévision) et l’internet qui sont à la base de la transition du monde
contemporain à l'ère de la communication technologique, part d’un point de vue
extérieur à celui-ci, et l’envisage dans une perspective plus large, que nous
appelons cosmosystémique[3].
En effet, nous nous plaçons au-delà de l’approche moderne qui repose sur un
concept limité et une structure statique de l’Etat-nation, même à l’heure
actuelle de la mondialisation, qui ont généré les notions de
« minorité » et de « diversité culturelle » tels qu’elles
sont entendues et utilisées aujourd’hui, qui sont affaire d’identité et
corollaires du statut de la société au sein du système politique.
Ainsi, notre intention est de
montrer ici (a) que les médias sont constitués en système (qu'ils soient
publics ou privés), en termes d'appartenance au propriétaire. Suivant le
principe général de ce système qui régit la phase de la modernité, le
propriétaire du système gère à son tour son objet (la culture, la politique
etc.), à sa guise, c'est-à-dire comme produit à vendre, et voit donc le citoyen
comme consommateur; (b) que les médias sont définis, dans ce cadre, comme
moyens de communication et non pas comme l'espace par excellence dans lequel
est désormais, et sera essentiellement, constitué le fait, sinon le système,
social, politique et culturel; (c) que les médias vus sous cet angle sont
conçus comme moyens d'information, alors qu'ils fonctionnent en producteurs
originaux de la politique, du fait culturel etc.
Pour étayer notre hypothèse, nous
prendrons pour exemple le phénomène politique, étant donné que l'intervention
des médias modifie profondément le fonctionnement, et au-delà, la nature du
système politique et qu’elle a des implications importantes sur l'ensemble de
la vie (sociale, culturelle, etc.) de la société des citoyens.
Le Champ Politique des Médias
Si l’on veut étudier la relation
entre les moyens de communication et le système politique, il convient tout
d’abord de préciser le contexte politique dans lequel ils sont appelés à
fonctionner.
Pour ce qui est du système
politique contemporain, la réponse à cette question a l’air d’aller de soi: le
contexte moderne est la démocratie. Mais quel est le champ politique de la
démocratie ?
Nous pouvons observer à cet égard
que la science politique contemporaine ne se donne pas la peine de préciser la
nature de la démocratie et, par conséquent, la relation entre société et politique.
Elle part du système politique actuel pour affirmer qu’il est l’aboutissement
de l’achèvement démocratique. À partir de là, le champ politique de la
modernité est assimilé au champ politique de la démocratie[4].
Il est donc évident que la
science politique moderne ne part pas du principe démocratique pour évaluer le
caractère démocratique ou non du système politique moderne, mais procède à l’inverse : elle définit le contenu du principe
démocratique, le concept de démocratie, au regard du système politique actuel.
Cette manière de voir complique
l’étude de la nature du champ politique des moyens de communication, non
seulement parce qu’elle est présentée comme donnée, mais aussi parce que cela
ne permet pas d’envisager le caractère évolutif du système moderne sous l’angle
du principe démocratique, et même de la technologie de la communication que
notre époque a désormais atteinte. Si le système politique moderne est
démocratique, voire le meilleur jamais connu par l’humanité, dans quel sens
doit-il dorénavant évoluer ?
Soulignons cependant que la
question de la démocratie hellénique[5] reste ouverte. Bien que classée
par la modernité dans la catégorie anthropologique de la
« préhistoire », c’est-à-dire comme inférieure à elle, la démocratie
hellénique continue à rappeler que le principe
démocratique a pour résultante la liberté
globale. En d’autres termes, la liberté démocratique couvre cumulativement l’ensemble des
manifestations de l’homme, au niveau individuel,
social et politique[6].
En cela, il est manifeste que la
démocratie hellénique ne s’identifie pas au principe démocratique, qu’elle en
constitue une manifestation pragmatique au
même titre que la version moderne de la « démocratie ». Par
conséquent, dans la mesure où le principe démocratique est revendiqué par
plusieurs paradigmes, nous sommes tenus d’ouvrir un dialogue comparatif, à
l’aune de la liberté.
L’échelle cosmosystémique[7]
différente à laquelle se rapportent les paradigmes concernés n’empêche pas
qu’il soit nécessaire et possible de faire cette comparaison. D’ailleurs, vu la
manière dont se pose la question, le débat ne conduira pas à une rencontre
directe de ces paradigmes entre eux, mais de chacun d’eux séparément avec le
projet démocratique, la liberté.
Cette méthode nous permettra de
confronter les systèmes communicationnels qui sont le propre de la petite et de la grande échelle[8]
et de nous interroger sur les conséquences de la technologie de la
communication sur l’élaboration du champ politique de la modernité.
Au vu de cette nouvelle réalité,
celle de l’agora politique technologique, l’étude du caractère du
système que reflètent les médias s’impose encore davantage. En l’occurrence, la
question est de savoir si, considérant leur manière de se constituer, ils remplissent
convenablement, c’est-à-dire conformément au système, leur vocation.
Répétons que la caractéristique
fondamentale du système politique moderne réside dans le fait qu’il rompt
la relation entre société et politique. La société est conçue comme ayant un
statut de particulier, la politique est attribuée en propriété à l’État, elle
est définie comme une tautologie du pouvoir étatique. Entre la société et
l’État (et donc la politique) se dresse le champ des forces intermédiaires,
constitué au premier niveau par les groupes sociaux d’intérêt et au deuxième
niveau par les forces politiques[9].
Pour légitimer le fait qu’il
exclut la société de la politique et qu’il la réserve aux spécialistes, le
système politique de la modernité invoque un principe purement opérationnel :
celui de la "division du travail
social"[10].
Indépendamment du fait qu’il prend pour donnée l’absence de liberté politique,
ce principe suggère que la société des citoyens, considérée comme un Tout, ne
produit pas la politique, ou plutôt qu’elle produit une politique uniquement
dans des circonstances exceptionnelles (par exemple dans des moments
révolutionnaires, etc.). Dans la lignée de cette opinion, la modernité
n’envisage pas la société comme mandant, et donc comme une composante du système
politique.
Il importe de remarquer cette
particularité du système politique moderne car elle implique l’aveu que la
démocratie de la modernité ignore non seulement la liberté politique, mais
aussi le concept même de représentation. En effet, le principe représentatif
exige la rencontre du mandant et du mandataire au sein du système politique. En
l’occurrence, ces deux qualités appartiennent à l’État, et la finalité de la
politique n’est pas liée à la volonté sociale (et à l’intérêt social) mais à
des notions obscures et nébuleuses (l'intérêt général, public, national) dont
le contenu est, qui plus est, défini avec autorité par le personnel politique
de l’État qui les gère[11].
En dernière analyse, puisque la
politique (et le système politique) appartient en propriété à l’État, le corps
social ne peut que légitimer, dans un rôle d’arbitre, ses acteurs. Le citoyen,
en tant que simple particulier, est sujet de l’État, est consommateur de
politique, il n’a pas d’individualité politique et, naturellement, il n’a pas
le droit de contrôler institutionnellement la politique. Dans ce cadre, les
acteurs de la politique sont fondamentalement les détenteurs des deux niveaux
intermédiaires, la classe politique et les groupes d’intérêt ou de citoyens.
Dans un système de forces
intermédiaires –et non de représentation– il est manifeste que les médias sont
appelés à jouer un rôle de même nature entre le détenteur et producteur du
politique et l’obligé ou consommateur du « produit » politique. D’où
le fait que les médias, moyens de communication, sont conçus et institués en moyens
d’information.
Nous tentons de démontrer ici que
l’organisation et le fonctionnement des médias sont conformes à la logique du
système politique de la modernité. Nous signalons également que la critique exercée
à leur encontre sous l’angle de la « déontologie », c’est-à-dire de
la morale, concerne les mutations du système politique que les médias se
chargent de gérer. Par conséquent, cette critique se concentre sur le système
politique réel
et part de
l’insistance de la modernité sur le système politique formel ou, autrement dit,
sur un passé qui a cessé depuis longtemps d’exister.
Faire des médias des moyens
d’information, au moment où ils fonctionnent largement en tant que champ de
la politique, pose un problème majeur. Car les retombées sont fondamentales
aussi bien pour les mutations que cela entraîne pour le système politique que
pour les distorsions que cela provoque du même coup, dans l’intervalle, dans le
système politique.
Le "moyen" de communication comme "moyen" d’information
La perception du "moyen" de communication comme moyen d’information
part de l’idée fondamentale que la politique est produite dans les espaces
constitués du pouvoir politique de l’État et, en tant que dynamique, dans le
contexte des forces intermédiaires, et que son destinataire est la société. Le
« média » en tant que moyen d’information est chargé de faire
circuler l’information et, pour ce qui est de la politique, l’information
politique. Le "moyen" de communication s’avère finalement moyen d’information.
Le média sert d’intermédiaire pour l’information politique, mais il ne produit
pas de politique.
Le concept d’information soulève plusieurs
questions. L’une se focalise sur le contenu de l’information politique : « Qu’est-ce qui constitue une
nouvelle ? » L’autre concerne la hiérarchie des nouvelles,
c’est-à-dire leur évaluation, qui touche donc aussi à leur thématique. La
troisième question est de savoir qui gère l’information politique, comprenons
cela avec la compétence ou la légitimation du détenteur du « média ».
Les spécialistes de ces questions conviennent qu’il y a un déficit
d’information et reprochent aux « médias » de mal gérer
l’information politique, de choisir en fin de compte les nouvelles secondaires
qui produisent du spectacle et non celles qui concernent la cause de la
politique. On parle souvent des bulletins d’information qui se dépensent en
énumérations de crimes, accidents et autres faits de société similaires qui
mobilisent l’émotionnel et accablent sentimentalement le spectateur. On discute
également de la gestion des questions majeures de politique internationale,
telle celle du dernier élargissement de l’Union européenne, qui s’est limitée
au spectacle de la signature, à quelques nouvelles secondaires relevant du
scandale ou de caractère anecdotique. On signale que nulle part il n’est fait
mention de la physionomie économique, culturelle, politique, etc., des nouveaux
membres ou des questions que soulevait leur intégration, pour eux et pour les
anciens membres de l’Union. Pourtant, l'aspect le plus problématique dans cette
fonction d'information est le rôle des médias en matière d'uniformisation du
mouvements des idées sous la chape de l'idéologie dominante, de mise en forme
des clivages socioculturels dans un moule de légitimité, ainsi que de
renforcement de la crédibilité de la « vérité » du système politique
et essentiellement sur les questions d’affaires internationales ou de la
gouvernance des marchés, en présentant comme la « vérité » de la
société. Dans tous les cas, les « télécrates »[12]
et leurs intérêts se sont mis à l'abri de toute contestation, à savoir en
dehors de toute fonction d'information nuisible.
Le déficit d’information se combine à une
appropriation inédite qu’impose la nouvelle « déontologie
journalistique » et qui consiste à ce que les journalistes s’approprient
des qualités qui ne leur appartiennent pas afin de récolter de la
« publicité » et de monopoliser la gestion du fait politique et ses
interprétations. L’un s’autoproclame « analyste politique », l’autre « analyste électoral », le
troisième « analyste économique », et ainsi de suite.
Ainsi l’information politique transforme-t-elle la
politique en scène de théâtre, dont le contenu ressemble plutôt à un
spectacle de revue politique dont le metteur en scène est le
« télécrate ». Face à ces interventions qui transforment l’agora
politique en spectacle, s’offrent comme proposition alternative la morale
ou, autrement dit, la déontologie du journalisme et le concept de mission.
Car, dit-on, puisque la mission du journaliste est l’attachement à la
déontologie journalistique, elle lui garantit sa liberté dans la gestion
de l’information politique.
Cette place du journaliste fait
appel à un concept du citoyen qui a besoin de «protection», qui n’a pas d’individualité
politique ni de place institutionnelle dans le système politique.
Elle révèle un concept du citoyen qui est donc un objet de revendication entre
les détenteurs de la propriété (de l’économie, de l’État, etc.) et de la
politique.
Le principe de la déontologie et de la mission des
« médias » souligne que le citoyen est un client de la politique et
que c’est pour cela qu’il a besoin de protection. Protection qui s’entend face
au pouvoir de l’État parce que, finalement, c’est lui qui est une menace pour
le citoyen, et non les moyens d’information. C’est pourquoi d’ailleurs la critique
s’adresse directement au pouvoir et non aux « médias ».
De leur côté, les moyens d’information rappellent que
le citoyen est avant tout un consommateur de politique. Les acteurs
de la politique et des « médias » s’accordent à dire que le citoyen
n’est pas par nature producteur de politique. Comme nous l’avons dit plus haut,
cette remarque est effectivement correcte, mais seulement dans un système qui
est strictement un système de pouvoir souverain, tel celui de la modernité, où
la politique est incarnée par l’État, qui, par conséquent, s’autoproclame seul
producteur de politique.
L’État, qu’il passe ou non « un contrat »
dans la production de la politique avec les groupes d’intérêt qui se pressent
dans l’entourage du pouvoir, s’intéresse à ce que le citoyen connaisse ses
obligations en tant que sujet de l’État. Mais la fonction de force
intermédiaire attribuée au « média » est contraire à sa nature.
Envisager la politique comme un « produit » à consommer et le citoyen
comme un consommateur n’est pas une découverte des moyens d’information. Cela
découle de la nature du système social et politique de la modernité. Tout ce
système repose sur la logique de la propriété: l’économie, la politique, etc.
Le propriétaire du capital ou le patronat, le détenteur de l’État qui incarne
le processus politique en tant que propriétaire de celui-ci, compose le
système. Propriété et système sont finalement des concepts identiques[13].
Les moyens de communication, en tant que moyens
d’information, sont perçus comme des objets d’un système placés sous le signe
de la propriété. Qu’il s’agisse de « médias » publics ou privés, tous
ont les caractéristiques de l’entreprise. Le propriétaire de l’entreprise, le
détenteur du capital ou de la politique, constitue l’institution et il la gère
à son idée et dans son intérêt. En tant que propriétaire du système, il décide
du choix des journalistes, de la distribution des rôles, mais aussi du cadre du
fonctionnement thématique du
« média ». La relation de propriétaire avec le personnel employé est
despotique, comme toute relation de travail dépendant. Ou bien l’employé obéit
aux ordres – à la ligne politique – de la propriété ou bien il est licencié.
Comme dans toute entreprise/propriété, la vocation du
moyen d’information est d’exploiter un ou plusieurs produits concrets dont il
escompte tirer un profit. Par conséquent, le propriétaire décide quel produit
il vendra au consommateur, comment il l’élaborera, l’emballera, le présentera,
etc.[14].
La matière première du moyen d’information, dont le traitement et la vente
doivent apporter un profit, c’est la politique.
En cela, le système permet au
« télécrate » de décider quel homme politique « se vend
bien » ou est « adapté » à ses intérêts en général, pour lui
donner une tribune politique dans son « média », c’est-à-dire un
droit de parole; de décider quelles questions politiques sont une
« priorité » de la société, lesquelles seront discutées et lesquelles
non, quelle sera la censure, dans quelle mesure elle sera imposée, etc. Il est intéressant
de remarquer que, alors que le pouvoir politique n’a jamais été matériellement
hors de portée de la critique, les acteurs des «médias» ont globalement la
possibilité de faire taire complètement la contestation.
C’est ici que commence à surgir un problème majeur.
Les moyens de communication ont été institués pour un rôle qui, tel qu’il est
proposé, abolit leur existence, et ils ne peuvent donc pas, par définition, le
jouer; mais comme système, ils correspondent pleinement au moment de la phase
anthropocentrique que traverse la modernité. Cette contradiction n’a pas
suscité de problème particulier tant que la souveraineté politique du pouvoir étatique et le non-développement de l’environnement
technologique de la communication limitaient les moyens de communication à une
fonction fondamentalement d’information et éventuellement de critique de la
politique.
Mais les choses ont changé du tout au tout, car la
technologie de la communication a dorénavant imposé les « médias »
comme champ primordial de production de politique, et leurs acteurs comme ses
gestionnaires directs.
Malgré tout, l’approche des « médias » comme
forces intermédiaires par excellence de l’information politique semble
entièrement compatible avec l’argument statutaire de ladite « société
civile » ou, plus exactement, de la société sujette ou
« médiatisée ». Selon cet argument, les forces intermédiaires se
posent face au pouvoir de l’État en barrière destinée à modérer ou même à repousser sa volonté autoritaire et, d’autre
part, elles sont prêtes à rejoindre cette volonté dans le processus de prise
des décisions politiques. Ainsi sommes-nous conduits du gouvernement à
la gouvernance[15]
et, au-delà, d’un processus politique qui se développe dans un cadre politique
normalement constitué à un processus politique non institué, qui fait le jeu
des purs rapports de force et des coulisses.
Pour comprendre cette mutation du système politique,
il suffit de remarquer la marginalisation du corps social à l’époque de la
gouvernance entre deux consultations électorales, contrairement à la période
électorale qui remet la classe politique sur une orbite relativement
dialectique avec la société des citoyens. Non pas parce que l’homme politique
sent brusquement qu’il est son représentant, mais parce qu’il a besoin de sa légitimation.
Enfin, la consécration des moyens d’information
comme composants de la « société médiatisée » ne soulève pas la
question de leur constitution interne et, par conséquent, de l’application à
ceux-ci du principe démocratique. Et cela en toute logique, puisque tout autre
acteur de la « société médiatisée » est évidemment libre de
s’organiser sous le signe du principe despotique de la propriété, même si l’on
constate qu’il fonctionne comme noyau d’usurpation de la politique.
Ce rôle usurpateur essentiel des « médias »
dans la politique a conduit l’opinion publique
à les définir comme quatrième pouvoir. Cependant,
c’est ignorer qu’il y a une différence fondamentale entre pouvoir et puissance.
Le pouvoir définit la possibilité décisionnelle institutionnellement constituée
dans la politique, quand celle-ci, en tout cas, n’appartient pas au tout
social; la puissance au contraire peut imposer à quelqu’un d’agir dans
un certain sens. Elle ne décide pas. La puissance a besoin qu’un pouvoir
consente et transforme sa volonté en décision. Il faut donc qu’elle convainque,
qu’elle contraigne ou qu’elle "achète" le détenteur du pouvoir.
C’est précisément ce que font les acteurs des moyens
d’information, puisqu’ils ne sont pas un pouvoir au sein du système politique
et ne participent pas matériellement au processus politique. Bref, les moyens
d’information sont une puissance, non un pouvoir.
Ces remarques montrent que la question de la liberté
de la presse, des moyens de communication en général, doit être
posée différemment: liberté des « médias » ou, sinon, autonomie de
leurs acteurs face à la société et face au pouvoir dans la gestion de la
politique, ou presse libre/médias libres, c’est-à-dire obligatoirement
en harmonie avec le principe démocratique. Dans ce dernier cas, la
« déontologie journalistique » obéit non pas à la
« conscience » supposée de l’acteur du « média » – la
politique n’est pas une affaire personnelle, pour être laissée à la libre conscience
("autorégulée"), c’est-à-dire à la conscience incontrôlée – mais à un
environnement démocratique prédéterminé, clair, et punitif en cas d’infraction[16].
Le moyen de communication comme champ de la politique
C’est un
dilemme devenu crucial de nos jours, car les évolutions ont manifestement
modifié la « logique » des moyens de communication. D’abord moyens
d’information, ils fonctionnent largement comme champ de la politique
et, par extension, en acteurs véritables du système politique.
Peut-être commence-t-on à
comprendre que l’on se trouve désormais devant un changement statutaire de la
société industrielle classique en société technologique. Les concepts consacrés
de « société de l’information » et de « moyens
d’information » laissent entendre que les changements technologiques
modifient le mode de transmission de l’information, mais pas globalement le
monde et son système.
Pour ce qui nous concerne, nous
adoptons l’expression de « passage à la société technologique » parce
que le paramètre technologique touche au noyau même de l’ensemble des paramètres du cosmosystème anthropocentrique et,
partant, nous conduit en perspective à un système sociopolitique différent. Le
nouvel environnement communicationnel compose ou recompose de fond en comble le
paysage social et politique. L’image de la réalité est dorénavant l’image que
créent d’elle les « médias »: l’image qu’a le citoyen de la société,
du monde, de la politique, c’est l’image qu’envoient les « médias ».
Dans le même temps, les « médias » fonctionnent comme point de
rencontre des acteurs de la vie sociale et politique. En ce sens, les moyens de
communication incarnent le système politique et tout montre qu’avec le temps,
ils pourraient devenir le noyau même de celui-ci.
Le fait de souligner la transformation
des moyens de communication en champ de la politique indique qu’une partie
désormais importante de la dynamique politique est produite par eux soit
directement, soit indirectement. Cela atteste également que la politique, qui
est produite dans l’environnement du pouvoir ou des forces intermédiaires,
« existe » dans la mesure où les « médias » la
reconnaissent ou décident de la faire circuler en direction de la société.
Enfin, la politique du pouvoir fait l’objet d’un traitement par les acteurs des
« médias » avant d’être revendue au citoyen-consommateur.
En tout état de cause, les moyens
de communication possèdent ces fonctions d’une manière indivisible et, en fait,
souveraine, comme chaque propriétaire possède le produit de sa production.
Entre le citoyen - consommateur et le citoyen du système politique
Cependant, le problème de l’approche de la politique
comme « produit » ne se poserait pas si la prise en otage du système
politique n’avait pris des dimensions qui abolissent jusqu’à son simple caractère
intermédiaire.
En effet, la politique en tant que matière première
n’est pas comme n’importe quelle autre matière première (le coton, un minerai,
etc.): elle définit l’essence de la société des citoyens. Par conséquent elle
incarne le processus et la dynamique au niveau desquels s’articulent la
cohésion, la fonction de l’ordre ou les ruptures dans l’environnement de la
société, elle concerne l’existence même de la société et son intérêt. En outre,
même à admettre un instant la logique du système (sa base de propriété et de
marché), la politique, comme toute autre matière première, n’aurait dû devenir
la propriété de l’entrepreneur (du particulier ou de l’État) qu’à partir du
moment où celui-ci la paie à sa juste valeur[17].
Or, la politique « n’est pas à acheter » par
le « télécrate » parce que logiquement, il est lui-même défini, selon
« l’ancien régime », comme simple « transporteur » de
l’information et, en tout état de cause, il ne semble pas que l’État puisse
facilement renoncer à sa propre identité avec la politique sans que l’essence
de son existence soit abolie. Malgré tout, l’acteur du « média » qui
en vient à combler le vide de pouvoir que crée le passage à la technologie de
la communication instaure une relation léonine avec la politique: il la reçoit
gratuitement, il la traite à son gré et se pose en fait en autre
"protecteur" de la société des citoyens.
Enfin, la différence de nature notée entre agora
économique et agora politique créée au niveau des moyens de
communication une opposition d’un autre ordre: la concurrence économique
cultive l’uniformité. Si bien que la qualité de citoyen-consommateur et la
qualité de citoyen du système politique
n’ont pas le même mobile en ce qui concerne l’intérêt pour la politique et ne
conduisent pas aux mêmes choix: l’une favorise le spectacle, éveille
l’émotionnel; l’autre favorise le dialogue, active la logique avec en vue le
devenir social global; l’une soumet l’individu aux priorités des
« médias », l’autre aux priorités de la politique. En tout cas, le contenu
de l’information sera différent.
Le système de propriété qui sous-tend le régime des
moyens de communication non seulement permet mais impose en fait la
transformation de la politique en une denrée à consommer et donc en
sous-produit du spectacle. C’est ce qui explique d’ailleurs la facilité avec
laquelle l’argument de l’économie privée ou constituée en termes de propriété
est mobilisé : face aux conséquences capitales que cela entraîne pour la
logique du système politique, le citoyen-consommateur, objecte-t-il, réalise
par ses choix un plébiscite quotidien concernant le produit politique qui lui
est proposé. Exactement comme cela se passe avec les produits du marché[18].
Cependant, d’après ce que nous avons constaté plus
haut, cet argument est bancal et sans issue. L’agora politique pose des
questions d’un ordre différent par rapport à l’agora économique. Le contrôle de
l’agora politique par l’État crée des problèmes d’usurpation, mais qui ne
mettent pas la main sur la société comme une propriété, comme cela se passe
quand l’agora politique est prise en main par le détenteur de l’agora
économique. Mais en même temps, la tentative de réfuter cet argument sous
l’angle de la théorie morale est aussi sans issue, car cela laisse à la
propriété – de l’économie ou de l’État – la liberté de gérer la politique à son
gré[19].
Le résultat de cette impasse est que le citoyen a été
transformé en objet de concurrence: restera-t-il client du pouvoir politique ou
deviendra-t-il client du maître du média? En tout état de cause, le citoyen
doit choisir entre la qualité de sujet
et celle de consommateur. Il n’a pas droit à la parole au sein du système, il
n’est pas conçu comme facteur
institutionnel du système, mais il peut espérer un de ces rôles de comparse
avec lesquels le "télécrate"
remplit son décor.
En tout état de cause, le système convient que le seul
« guide » du « média » concernant le mode de gestion de la
politique est le profit: le profit immédiat de l’entreprise mais aussi le
profit indirect, celui qui résulte, d’une part, de l’autorité sociale que
l’acteur du « média » puise de celui-ci et, d’autre part, des divers
liens de collusion tissés avec l’espace public et privé.
En soi, cette logique du profit abolit la fonction du
moyen de communication comme champ de la politique, puisque la fonction
politique est détournée en spectacle. Dans le même temps, avec la
transformation du "télécrate" (qu'il soit le privé, le parti
politique ou autre) en véritable propriétaire de la politique, on note un
retour du système politique et, à travers lui, de la société à une sorte de
despotisme original.
Fonction politique et propriété/système. L'avenir d'un inéluctable
divorce
Nous concluons que l’institutionnalisation et le fonctionnement des moyens de communication sont conformes
au système politique formel et surtout à la phase primaire que traverse
l’anthropocentrisme moderne. Tout système ou sous-système est constitué en
termes de « propriété », et dans ce cas le détenteur de la propriété
incarne le système[20].
Le problème qui surgit de nos
jours se focalise sur les changements intervenus avec l’entrée dans la société technologique
et le développement d’un nouveau système fondé
sur la technologie de communication. C’est
précisément à ce nouvel environnement, c’est-à-dire aux conditions du système
politique réel que s’oppose l’institutionnalisation jusqu’à présent valable des
moyens de communication. Le «média» a désormais pris en charge des fonctions de
champ de la politique, alors que son institutionnalisation veut qu’il se contente de rôles de simple diffusion de
l’information politique.
Les résistances de l’ancien
système expliquent aussi bien le contenu de la critique qui est exercée contre
les nouvelles fonctions des « médias » que la manière proposée pour
remédier au problème: invoquer la déontologie et la morale au lieu de
l’intervention institutionnelle, dans le but de les harmoniser au nouvel acquis
politique.
Entre temps, le système politique
s’est transformé en otage de ses idées fixes : les principes sur lesquels s’est
fondée l’époque postféodale primaire qu’il vit et qui sont guidés par l’idée
que le citoyen est soit sujet de l’État, soit consommateur de
l’économie, client de l’agora politique ou de l’agora économique[21].
Cependant, l’économie du
spectacle et, d'une façon générale, du marché, sort victorieuse du rapport de
force entre politique et économie parce que le système, d’une part, donne la
priorité et légitime les choix de l’agora économique (l’identification de la
propriété et du système) et que, d’autre part, le pouvoir de l’État a désormais
cessé d’être réellement souverain. Dans ce cadre, les acteurs des «médias»
trouvent un terrain propice pour invoquer le dogme de la « société
médiatisée », pour légitimer leur participation à la « gouvernance »
du pouvoir politique, c’est-à-dire à son appropriation.
Que faut-il faire ? Séparer
la propriété du système du moyen de communication, de sorte que la structure de
celui-ci, son fonctionnement et son environnement réglementaire soient régis
par le principe « démocratique », ou plus exactement par la logique
de l’espace public et non par l’intérêt du propriétaire. Cette réforme exige
toutefois une volonté politique très forte, à laquelle les rapports de force ne
concourent pas. Cela exigerait d’ailleurs le passage à un autre système
politique et, concrètement, du système médiatisé au système représentatif,
auquel, assurément, la classe politique de la modernité n’est absolument pas
préparée. Mais nous dirions que ce changement n’est même pas possible, du moins
à moyen terme, parce que ce n’est même pas une revendication de la société.
Par conséquent, tout montre que
les conditions de l’impasse n’ont pas encore suffisamment mûri pour conduire
vers une issue. C’est pourquoi, à notre avis, la solution du problème viendra
nécessairement de la poursuite du développement de l’environnement de la
technologie de la communication, qui conduira finalement de lui-même à la séparation
de la propriété du « média » par rapport au système en soi,
c’est-à-dire par rapport à ses fonctions.
Dans ce cas, un grand pas aura
été accompli du même coup en direction du changement du système politique dans
son ensemble, de la logique de la médiation
à celle de la représentation. Cela
requiert d'une part la transformation de la société des citoyens en démos (en
corps constitué institutionnellement au sein du système politique) et d'autre
part son investissement avec les fonctions du mandant.
BIBLIOGRAPHY
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of Justice. A defense of Pluralism and the Equality. (New York: Basic Books, 1983).
[2] Professeur de science politique, Université Panteion.d'Athènes, Ancien
recteur
[3] Nous avons
présenté dans notre ouvrage Le
cosmosystème hellénique, t. 1, La
période statocentrique de la cité (Athènes: Éd. Sideris, 2006), pp. 17-67,
les fondements de ce que nous appelons « gnoséologie
cosmosystémique », laquelle propose d’appréhender le devenir des sociétés
humaines selon les cosmosystèmes (v. infra)
qu’elles constituent. Ceux-ci se caractérisent d’abord par la liberté dont
jouissent leurs membres cumulativement à titre individuel mais aussi en qualité
de membre du corps social et en corps politiquement constitué, et puis par
différents paramètres qui définissent leur échelle. Par conséquent, la
« gnoséologie cosmosystémique » ouvre sur une nouvelle périodisation
de l’histoire (v. aussi infra). Sur
la question de l’identité dans une approche cosmosystémique, v. entre autres (v. infra). Du même auteur, « Identité
cosmosystémique ou identité « nationale »? Le paradigme hellénique », Pôle
Sud 10, 1 (1999), pp. 106-125.
[4] C'est la règle de la littérature moderne. Voir à titre indicatif
Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif. (Paris :
Calmann-Lévy, 1995) ; Daniel Gaxie, La démocratie représentative.
(Paris Montchrestien, 1993) ; François d’Arcy, La représentation.
(Paris: Economica, 1985) ; Philippe Braud, La démocratie politique.
(Paris: Seuil, 1997) ; Dominique Schnapper, Qu’est-ce que la
citoyenneté ? (Paris : Gallimard, 2000) ; Norberto Bobbio, Libéralisme
et démocratie. (Paris : Le Cerf, 1996); Giovanni Sartori, Théorie
de la démocratie. (Paris : Armand Colin, 1973).
[5] Nous utilisons le qualificatif « hellénique » et non
« grecque » en référence au paradigme hellénique que nous
reconnaissons dans notre approche cosmosystémique.
[6] Cette approche est rejetée par la pensée moderne qui oppose la liberté
individuelle à la liberté soi-disant politique, considérées comme
incompatibles. En ce qui nous concerne, nous prétendons que la liberté
individuelle est le présupposé de la liberté sociale et de la liberté
politique. Notre hypothèse repose sur le fait que nous concevons la liberté
comme identique à l'autonomie. A l’opposé, la pensée moderne définit la liberté
individuelle sous l'angle de l'autonomie, et la liberté sociale et politique en
termes de droits (par exemple Michael Walzer, Spheres of Justice. A defense of Pluralism and the
Equality. (New
York: Basic Books, 1983); John Rawls, Justice as Fairness. A restatement. (Belknap Press Harvard University Press, 2001);
John Rawls, A Theory of Justice: (Cambridge
(MA): Belknap Press of Harvard University Press, 1971). Voir à ce sujet notre
ouvrage, La démocratie comme liberté.
Démocratie et représentation. (Athènes: Éd. Patakis, 2006). Du même, “Democracy and
Representation. The question of freedom
and the typology of politics”, in Civilization and Public Law, eds Evangelos Venizelos and A.
Pantelis, 79-92 (London: Esperia Publications, 2005). Et
une version plus courte, dans La
démocratie en Europe, ed Dominique Damamme. (Paris : L’Harmattan,
2004).
[7] Par le terme de cosmosystème nous définissons un ensemble global de
sociétés, qui dispose d’une autarcie et d’une cohésion internes au regard de
ses paramètres constitutifs (économie, communication, etc) ainsi que de
déterminantes communes qui caractérisent une base et une philosophie propres. La typologie des cosmosystèmes
comprend notamment le cosmosystème anthropocentrique et le cosmosystème despotique (par ex. le fait féodal). Pour le concept de cosmosystème voir notre
ouvrage déjà cité, Le cosmosystème
hellénique, 17-67. Le terme détermine en l'occurrence le monde
anthropocentrique, à savoir les sociétés constituées en termes de liberté. Dans
la catégorie du cosmosystème anthropocentrique nous incluons le monde
hellénique et le monde moderne.
[8] La question d'échelle concerne essentiellement le cosmosystème
anthropocentrique. La petite échelle correspond à la période hellénique (de la
cité), la grande échelle concerne formellement la période moderne
(l'État-nation).
[9] Nous parlons des forces intermédiaires et non pas représentatives, car
la société des citoyens ne détient pas le statut de représenté dans le système
politique moderne. En effet, le vote du citoyen n'a pas de contenu
représentatif.
[10] Émile Durkheim, De la division du travail social. (Paris: PUF, 1991);
Bernard Lacroix, Durkheim et le politique. (Montréal: Presses de
l'Université de Montréal, 1981); Charles-Henry
Cuin (dir.), Durkheim d’un siècle à l’autre. Lectures actuelles des « règles
de la méthode sociologique ». (Paris: PUF, 1997); Danilo Martuccelli, Sociologie
de la modernité. (Paris: Gallimard, 1999).
[11] Nous précisons à cet égard que
l'ensemble des Constitutions des pays de la modernité se fondent sur ce
principe. Pour y arriver on définit par exemple la nation comme une création de
l'État et non pas comme la conscience identitaire globale de société; on parle
de l'intérêt général et non pas de l'intérêt commun ou social; on identifie le
public à l'État et non pas au corps social politiquement constitué (le démos).
Au sujet de cette problématique, voir essentiellement, notre ouvrage, Nation et modernité. (Athènes: Editions alternatives, 2007).
[12] Nous dénommons ainsi le phénomène de la
dominance de la propriété dans les médias actuels, essentiellement la
télévision. Pourtant, il est à préciser que le passage à l'époque de l’internet
changera sensiblement la relation entre agent de propriété et agent de gestion
au profit du second.
[13] L'identification du système au propriétaire différencié émane en effet
de la féodalité précédente. Le passage à la période anthropocentrique primaire
a fait en sorte que les êtres humains ont été libérés au niveau individuel mais
leur situation vis-à-vis du système économique et politique n'a pas changé.
C'est pourquoi les luttes socio-économiques et politiques qui ont secoué le
XXème siècle avaient pour enjeu le contrôle de la propriété par le privé ou par
l'État, la société étant par définition tenue hors de toute discussion. Voir à
ce sujet, nos ouvrages, La démocratie
comme liberté. Démocratie et représentation, Éd. Patakis, Athènes, 2007; et
Systèmes économiques et liberté.
(Athènes: Sideris, 2010).
[14] Ainsi qu’en fonction des intérêts plus larges qu'il tisse avec l'État
et le secteur privé.
[15] Le
terme « gouvernance » a été introduit par l’économiste américain
Ronald Coase en 1937 dans son article « The Nature of the Firm ». Le
concept apparaît chez les économistes, surtout dans les années 1970, avant
d’être adopté dans les relations internationales. Dans les années 1980, il sera
utilisé aussi, accompagné de l’adjectif « bonne », pour
« définir et préciser les critères de ‘bonne administration publique’
applicables à des pays fortement incités (en échange de prêts) à mettre en
place des réformes institutionnelles utiles à la réussite de leurs programmes
économiques. Ils prônent la ‘bonne gouvernance’, soit une nouvelle gestion
publique fondée sur une logique entrepreneuriale. Ils préconisent
l’amaigrissement de l’État-providence, le ciblage des bénéficiaires des
politiques sociales, la privatisation des services publics… » (Institut
de la gouvernance). Georges Contogeorgis, « Bonne gouvernance et démocratie », dans Media and the Good Governance Facing the
Challenge of the EU Enlargement,
eds Fabienne Maron, I. Horga, R. de La Brosse.
(Bruxelles : IIAS, 2005).
[16] Il est évident que la question
de la liberté se pose aussi du point de vue de qui tire profit: ce
sera-t-il la société des citoyens ou bien les détenteurs du système politique?
[17] Il est sous-entendu que ce n'est pas le cas. La politique est le
phénomène qui régit le fonctionnement de la société globale. Elle ne
s’identifie même pas au pouvoir comme le laisse croire la pensée moderne. La
politique peut être constituée en termes de pouvoir (dans les systèmes qui se
différencient de la société des citoyens) ou bien sous l'angle de liberté (dans
le système démocratique et en partie dans le système représentatif).
[18] Même la doctrine de marché autorégulé est avancée dans des phases
primaires du cosmosystème anthropocentrique où les propriétaires du système
économique ont réussi à récupérer la souveraineté politique, à savoir l'État.
[19] En effet, l'évocation de la morale pour que le détenteur du pouvoir se
soumette aux règles et en fait se limite de sa propre volonté dans son exercice
avoue que le système n'est ni représentatif ni démocratique, à savoir que la société
est exclue de celui ci.
[20] Comme il a été dit plus haut, cette doctrine, da la phase primaire du
cosmosystème anthropocentrique, s'applique sur l'ensemble des systèmes de la
modernité, qu'il soit économique, social ou politique.
[21] Le contraire de cette forme de
citoyenneté est le citoyen-mandant (du système représentatif) voire le
citoyen-démos (du système démocratique).
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