Πέμπτη 25 Ιουνίου 2015

Georges Contogeorgis,De la Sainte Alliance de l'absolutisme politique à la Sainte Alliance de l'absolutisme des «marchés»

De la Sainte Alliance de l'absolutisme politique à la Sainte Alliance de l'absolutisme des «marchés»


24 juin 2015 |  Par Georges Contogeorgis
Le monde d'aujourd'hui traverse une période analogue à celle de l'époque de la Sainte Alliance de l'absolutisme politique du XIXe siècle. À cette époque, celle d'une grande coalition sous le leadership de « Metternich », l'absolutisme politique européen avait pour but de défendre l'Ancien Régime contre « l'émergence des peuples » qu'exprimait le projet d'État nation.
Aujourd'hui, l'oligarchie économique des marchés s'est coalisée pour défendre le système politique de monarchie élective avec un solide fondement oligarchique – appelé par euphémisme démocratie représentative – afin d'empêcher les peuples de se constituer en « sociétés des citoyens » dans les systèmes politiques.
À l'époque de la Sainte Alliance, l'hellénisme a ouvert la question des nationalités et de l'État nation, dès le congrès de Vienne avec Jean Capodistrias et essentiellement avec sa Guerre d’indépendance de 1821, qui fut la première révolution nationale dans l'histoire moderne. La société grecque paya le prix de son « audace » à contester l'absolutisme et fut condamnée à vivre dans un État protectorat destiné à neutraliser la dynamique de son intégration nationale.
Aujourd'hui, la Grèce a ouvert un nouveau chapitre, celui de la contestation du projet des « marchés » d'imposer leur hégémonie sur les États et, à travers eux, de s'approprier leur finalité politique. Cela à un moment où leur toute-puissance fait que la simple invocation de l'intérêt des sociétés est considérée comme un projet politique extrémiste.
La société grecque, exposée à un système politique qui a servi à son pillage par la particratie et les oligarques internes, achèvera de payer le prix de son audace d'avoir contesté cette Sainte Alliance mondiale des « marchés ». Comme d'avoir contesté la « Sainte Alliance » de l'Europe politique qui entend transformer l'Union, espace relativement équilibré d'États partenaires, en véhicule d'hégémonie sur les sociétés.
Quoi qu'il en soit, après la crise, la situation en Occident ne sera plus comme avant. Parce que nous sommes déjà entrés dans une nouvelle phase de la cosmo-histoire, destinée à sortir d'un monde – celui conçu à l'époque des Lumières – qui n'est plus capable de soutenir le progrès. Le recul galopant des acquis des sociétés va révéler dans un proche avenir que la crise est profondément politique et se résume à un enfermement des sociétés dans des systèmes et des valeurs ancrés dans le xviiie siècle, au moment où des paramètres fondamentaux tels que l'économie et la communication sont, eux, tournés vers l'avenir.
Or, la sortie des sociétés de l'impuissance politique n'est plus possible que par la transition de l'ancien régime – le système actuel de la monarchie élective/oligarchique – à un système représentatif. Un système où le « peuple » se transforme en « société des citoyens », assumant au moins la fonction du mandant. Une telle transformation, le passage d'une société privée à une société politique, annoncerait l'installation de la société des citoyens dans le système politique et, au-delà, l'établissement d'un partenariat avec la classe politique qui, elle, sera réduite au rôle de simple mandataire, dans l'exercice du gouvernement.
Dans ce cadre, la question de l'approfondissement de l'Europe politique sera vite confrontée au dilemme suivant: renforcer le pouvoir des institutions (telles que la Commission, la BCE, le Conseil, etc.) sans toucher à leur légitimité quasi despotique qui réserve, en dernière analyse, au complexe politico-économique la souveraineté politique sur les sociétés; ou bien faire entrer les sociétés des citoyens européennes dans le système de l'Union au titre de partenaire. J'entends par là que désormais, la simple légitimation du personnel politique par l'électorat ne suffira plus pour restaurer l'intérêt des sociétés comme finalité du système européen.
Cependant, même si, à mon avis, cette évolution est inéluctable à moyen terme, elle se heurte à une question d’un autre ordre: les sociétés de notre époque attendront-elles que les conditions mûrissent pour prendre en main leur destin? Ce qui signifie : d’être confrontées à la misère sociale avec comme seul débouché l'insurrection? Ou bien mobiliseront-elle la partie cognitive de leur cerveau pour précipiter les événements? Cette hypothèse passe inévitablement par une révolution dans le domaine des concepts (qui définissent les phénomènes socioéconomiques et politiques fondamentaux) afin que le monde qui se déclare du progrès se libère des certitudes (par exemple, que nous vivons la démocratie) qui l’enferment dans un conservatisme sans issue. C'est là, en fait, l'impasse dans laquelle nous nous trouvons essentiellement en Europe.