Τρίτη 9 Δεκεμβρίου 2008

Interview sur les emmeutes en Grece, LE MONDE 8.12.2008

LE MONDE 8.12.2008, en premiere page


Des policiers grecs traînent une manifestante lundi 8 décembre à Athènes. Des émeutes ont éclaté samedi dans toute la Grèce après la mort d'un adolescent tué par la police.
Trois questions à Georges Contogeorgis, professeur à l'université Panteion d'Athènes et ancien ministre, sur les manifestations qui ont éclaté dimanche 7 décembre en Grèce après la mort d'un adolescent tué par la police.

Les faits Emeutes en Grèce après la mort d'un adolescent tué par la police
Quelles sont les revendications des manifestants ?
Le mécontentement de la population est d'abord dirigé contre les forces de l'ordre. Les manifestants reprochent à la police de ne pas accomplir correctement sa mission de service public. L'institution policière, qui devrait être au service de tous les citoyens, n'agit aujourd'hui que dans l'intérêt de quelques personnalités influentes. Je connais, par exemple, un directeur de journal qui dispose de trois ou quatre policiers pour assurer sa propre sécurité. Pendant les manifestations de ce week-end, les forces de l'ordre ne sont pas ainsi intervenues pour protéger les commerçants contre les tirs de cocktails Molotov.
Mais cette mobilisation témoigne surtout d'un profond malaise d'une partie de la société à l'égard de la politique du gouvernement grec. Partant de la capitale, elle s'est propagée à tout le pays. Les manifestants dénoncent le fonctionnement d'un Etat qui place l'intérêt d'une certaine classe politique et économique au-dessus de l'intérêt général. Ils réclament la mise en place effective d'un Etat de droit et d'un Etat providence, ainsi qu'une meilleure représentativité des citoyens. Leur objectif, c'est d'être considéré comme des partenaires à part entière du système politique.
Quel rôle tient le mouvement anarchiste dans les manifestations ?
Le mouvement anarchiste, tout en étant très minoritaire, est particulièrement actif au sein des universités grecques. Ce n'est pas la première fois qu'il s'oppose violemment aux forces de l'ordre. A Athènes, il est implanté dans un petit quartier du centre-ville [Exarchia] où l'extrême gauche jouit d'une certaine immunité. La police les tolère à condition qu'ils ne sortent pas de cet environnement bohème et universitaire.
Il faut savoir que la population étudiante est nettement plus politisée que le reste de la société. [En 1973, c'est la révolte des étudiants de l'école Polytechnique d'Athènes qui a précipité la chute du régime des colonels, une dictature militaire à la tête du pays de 1964 à 1974]. Par ailleurs, la police n'a pas le droit d'intervenir sur les campus. Mais l'adolescent qui a été tué par un policier n'appartenait pas à un groupe anarchiste. Il ne portait pas de cagoule et ne participait pas à une action ciblée. Il appartenait à un environnement assez aisé. Samedi, il s'en prenait à la police comme beaucoup d'autres personnes le font chaque jour en Grèce.
Quelle est la marge de manœuvre du gouvernement ?
Les récents événements viendront très certainement bousculer l'agenda politique, mais le gouvernement du premier ministre de centre-droit Costas Caramanlis est dans une situation très difficile. Un an après son élection, il dispose d'une très faible majorité au Parlement et ne parvient pas à sortir le pays de la crise. Par ailleurs, il est empêtré dans une série de scandales. Il n'y a qu'à voir les derniers sondages d'opinion qui donnent cinq points d'avance aux socialistes en cas d'élections anticipées.
Propos recueillis par Elise Barthet

La révolte de la jeunesse en Grèce et le caractère politique de la crise actuelle 08 déc 2008 Journal MEDIAPART

La révolte de la jeunesse grecque provoquée par l'assassinat d'un enfant de 15 ans par un policier dans les rues d'Athènes peut être attribuée, en principe, à la crise profonde que traverse l'État hellénique. Un État dominé par la partitocratie, qui place l'intérêt de la classe politique et de ses partenaires économico-médiatiques au-dessus de l'intérêt de la société.
Ce décalage est révélateur de la négation voire de la violence avec laquelle est envisagée l'action de l'État. En général, la «vérité» de l'État n'est pas celle de la société. Au contraire. Ceci explique que la vie politique de ce pays soit dominée par une contestation profonde et unanime de l'État et du personnel politique par la société. La société grecque — qui a hérité de son passé récent un développement politique et donc une politisation qui correspond à la qualité du mandant, voire de démos autogouverné — continue à avoir du mal à accepter le système de l'État-nation qui la cantonne dans l'espace privé.

Cette constante fait de la Grèce un laboratoire qui, dans le contexte de la crise mondiale actuelle, devient très intéressant. En effet, on a considéré que cette crise avait un caractère purement économique et financier. Pourtant cette approche cache la nature profondément politique de la crise. Je m'explique: ce qui est en cause en ce moment, c'est la rupture de l'équilibre dans la relation entre société, État et marché. La discussion se résume à la relation que doivent établir entre eux l'État et le marché, et plus exactement à la question de savoir si le marché doit s'autoréguler ou s'il doit se soumettre à un cadre réglementaire géré par l'État. Mais on ne tiens pas compte du fait que l'État et la société sont étroitement liés dans la gestion du fait politique. La société — la société des citoyens, qui est la raison d'être aussi bien de l'État que du marché — ne participe pas à la discussion.

Autrefois, le social et le politique se rencontraient indirectement, par le moyen de l'idéologie ou de l'affiliation de classe. Ceux qui se sentaient socialistes votaient pour le parti socialiste, etc. Depuis l'effondrement des idéologies, on constate que cette rencontre fait de plus en plus défaut et, qu'à sa place apparaissent des théories — comme celle de la société civile ou celle de la bonne gouvernance — qui, en réalité, montent des remparts entre la société des citoyens et l'État qui incarne le système politique.

Les sociétés européennes commencent à comprendre que ce déficit de représentation est la cause profonde de l'éloignement des politiques publiques de leurs intérêts, de l'aggravation du cadre réglementaire (État de droit, État providence, inégalités, etc.) ainsi que de la direction prise par la mondialisation. Pourtant, l'approche de ce déficit de représentation de la société se fait sous un angle moral: on demande à la classe politique de se comporter en délégué du peuple, sans s'apercevoir que la Loi fondamentale prévoit expressément que la classe politique n'est pas obligée de se soumettre à son opinion. Et quand bien même cette obligation serait inscrite dans la Constitution, la société des citoyens n'aurait pas les moyens d'imposer son respect. Il faudrait pour cela que l'État lui restituât la qualité de mandant, que la société se transforme en peuple (demos) et se constitue politiquement pour qu'elle puisse affirmer sa volonté.

Or le fait de soulever la question de la non-représentativité du système politique moderne en termes moraux, et non en termes de réforme de ce système, montre que ce projet ne fait pas partie de nos sociétés. Cela explique aussi pourquoi la contestation prendra des formes de plus en plus violentes, qui seront directement liées aux effets du renversement du rapport de forces au dépens de la société.

J'entends par-là que désormais le rétablissement de l'équilibre entre le social et le politique ne peut se faire que par le moyen du changement du système politique: au lieu de rester l'apanage pur et simple de l'État, il doit inclure dans son espace la société des citoyens. Il y a quelques décennies, cette demande aurait pu être considérée comme utopique ou bien démagogique. Dans les circonstances actuelles, il est devenu urgent que la modernité entreprenne la réforme fondamentale de son arsenal de références (gnoséologie), c'est-à-dire des ses approches de la démocratie et de la représentation, toute en admettant que son système n'est ni représentatif ni démocratique.

La jeunesse grecque a soulevée depuis longtemps cette question et les slogans qui voient le jour sur les murs montrent que pour éviter que la crise ne pèse de façon dramatique sur les épaules de la société il faut que le déficit représentatif ne se pose plus en termes moraux. Cette réforme des esprits concerne surtout la gauche qui, ayant perdu l'avantage d'une idéologie progressiste, s'est converti au néo-libéralisme, avec comme souci principal, une méfiance profonde de la société.
· Grèce
Est-il exact que le jeune garçon était anarchiste ?
08/12/2008 10:08Par Maguy Day
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C'est vraiment important ? Et même s'il l'était (à 15 ans !) ?
Portait-il des slips kangourou ou boxer ?
Ne pensez-vous pas que la résurgence (les 9 de Tarnac etc) des termes utilisés (des terroristes", cellule invisible") est faite pour détourner la majorité de la population de mouvements solidaires ?
NE NOUS LAISSONS PAS MANIPULER.
08/12/2008 11:56Par Velveth
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Bien d'accord avec vous !
08/12/2008 12:11Par Joha1008
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Oui alors c'est normal, non, alors c'est un meurtre?
Selon vos préjugé cochez la case correspondante.
Un cadavre n'a pas d'opinion.
Selon la loi, la riposte doit être au niveau de l'attaque, c'est pour ça qu'en france les policiers dans les camionnettes ont casque, lacrymo et matraque à disposition.
Pour répondre à un autre internaute, un tir de sommation (défense du policier) ne se fait pas à l'horizontal, 3 balles dans la poitrine...tir enchainé, les expertises sont accablantes, et le policier aux arrêts, inculpé d'homicide volontaire, c'est vrai qu'on ne verrait pas ça en France (Malick Oussekine, meurtre d'un jeune à Bagatelle à Toulouse etc..)
08/12/2008 18:59Par Lefrancois
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D'après mes informations qui sont tirées par des milieux journalistiques il n'était anarchiste. Mais pour un garçon de 15 ans cette question n'a pas de signification. En plus il est à retenir qu'entre les anarchistes et la police -c'est à dire le gouvernement, tout gouvernement, depuis longtemps- il y a une complication, une sorte d'accord tacite qui est en relation directe avec un État qui ne joue pas son rôle. La société grecque se pose toujours la question pourquoi la police n'interviens pas dans le quartier des anarchistes ou qu'elle ne protège pas les commerçants du centre, la circulation, la communication contre les anarchistes ou qu'elle n'arrête pas les quelques manifestants à tête cachée qui provoquent des dégâts. Un grand nombre des policiers sont attachés à la "protection" des gens de pouvoir (parmi lesquels des journalistes etc), comme si l'État est à leur service. Les anarchistes sont en fait le résultat de ce que j'appelle rupture de l'équilibre entre le social et le politique qui conduit l'État à se comporter comme un adversaire de la société.
08/12/2008 20:10Par Georges Contogeorgis
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Même constatation : en Grèce comme en France les élus ne représentent qu'eux mêmes. Comme le dit Roumanoff, "la lutte des classes est remplacée par la lutte des places"
08/12/2008 15:08Par guydufau
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"'Un État dominé par la partitocratie, qui place l'intérêt de la classe politique et de ses partenaires économico-médiatiques au-dessus de l'intérêt de la société"
Tiens, tiens! Il y a beaucoup de pays européens dont on peut en dire autant!!
Et la Sarkozie n'est pas la dernière, loin de là.
La violence de l'Etat est une réalité qui voit de plus en plus de citoyens européens marginalisés, criminalisés (pour leur simple divergence de vues) et curieusement traités de terroristes (Affaire Tarnac/ autonomes).
Big brother d'un côté ou le Meilleur des mondes de l'autre comment pouvons-nous résister?
"L'insurection estle plus sacré des devoirs" disait JJ Rousseau...
08/12/2008 16:47Par victorinox
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Je suis d'accord que ce phénomène constitue déjà une réalité pan-européenne. Mais pour comprendre le particulier dans le cas grec il faut se poser la question contre qui l'État agit chaque fois qu'il se sent menacé. Contre ceux qui développent une action publique qui le gène: les politisés. La comparaison donc relève du développement politique -de la politisation- de la société toute entière. Une enquête qui a été réalisé en 1993 concernant la Grèce, la France et la Belgique a montrée que la demande politique de la société hellène a été 11 fois plus grande de celle de la France et 13 fois plus que celle de la Belgique. Comme je viens de souligner cette politisation de la société grecque est héritée de son passé historique d'avant l'État nation (1821), du fait donc qu'elle n'a pas vécu la féodalité, qu'elle a identifié sa vie au système de la cité démocratique (autogouvernement) jusqu'alors. Pour le reste je suis d'accord que les sociétés européennes se rencontrent de plus en plus sur un projet d'émancipation qui aboutira au moyens terme à une participation directe au processus politique. L'étude de l'évolution du comportement et des attitudes politiques des sociétés européennes montent qu' il y a une évolution notable le long du 20eme siècle.
08/12/2008 20:37Par Georges Contogeorgis
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comment savez-vous qu'il s'agit d'un assassinat ?
08/12/2008 17:05Par hans.junker
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L'article propose un cadre d'analyse davantage politique que social. Pourtant la société Grecque s'est considérablement transformée ces dix/vingt dernières années, en rapport à une structure sociale Méditerranéenne encore traditionnelle, laissant une place importante à des institutions comme l'Eglise, la famille, et pour les filles, dans certains milieux, la dote, le chaperon. Tous ces mécanismes sociaux de régulation, voire de contrôle "par rapport au regard des autres" s'est semble t-il dilué, n'étant remplacé par pas grand chose de structurant, comme c'est l'usage dans la dite "postmodernité". Peut-être que la reprise de petits récits anciens de la Jeunesse (affrontement étudiants/police), outre la répétition rassurante peut également signifier, outre une crise de sens, ou des conflit symboliques latents dans la société. La croissance, la consommation euphorise, les grands problèmes sociaux non traités ressortent dans ces périodes de stagnation.
08/12/2008 18:44Par Franck Gauthey
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nouveau
Le schéma d'interprétation de la société grecque est relevé des pressurés idéologiques des années 1980 qui avaient introduit la dichotomie Nord-Sud pour justifier la supériorité du nord! Depuis, il a été prouvé que ses hypothèses ne peuvent pas résister à la critique scientifique. Croyez vraiment qu'y a-t-il une structure Méditerranéenne? Le concept de anthropologique de "tradition" est valable pour les sociétés issues de la féodalité, telles que les sociétés française, anglaise, allemande etc. Mais, que dire pour une société comme la grecque qui a vécue jusqu'au 19ème siècle le cosmosystème anthropocentrique de la cité de la période œcuménique, c'est à dire avant la création de l'État nation? Vous citez le rôle de l'église en Grèce. Croyez vous vraiment que le rôle de l'église en Grèce est plus important qu'en France, pour ne pas citer des exemples plus frappants? L'église en Grèce est nationalisée, tandis qu'en France n'étant pas en mesure de s'opposer au Vatican, on l'a séparé de l'État. On lui a reconnu alors un rôle d'État dans l'État qui échappe largement du pouvoir. Je rappel qu'en France l'ensemble du système scolaire privé est entre les mains de l'église, tandis qu'en Grèce ça est inimaginable. On se contente à reconnaître que l'État est laïc, mais on oublie que ça fut obtenu au prix d'une réduction de la souveraineté de l'État et en échange de la non laïcité de la société. Votre "postmodernité" se résume à un concept qui se reconnaît dans un système prés-représentatif qui réserve à la société la liberté uniquement dans sa vie privée. Si la liberté est la "mesure" de toute évaluation du développement d'une société ou d'une époque, il faut se demander quelle est la place de la modernité dans le processus anthropocentrique d'ensemble.
08/12/2008 21:20Par Georges Contogeorgis
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pour aller plus loin dans la crise de la représentation élective
http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2289/dossier/a383...
08/12/2008 18:47Par Lefrancois