Παρασκευή 29 Φεβρουαρίου 2008

L'Union Européenne face au plan Anan (Chypre)

Georges Contogeorgis

L’Union européenne face au plan Anan

1. Les motifs du rejet du plan Anan par les Chypriotes Grecs apparaissent dans les réponses données aux sondages effectués à la sortie des bureaux de vote le jour du scrutin : pour 75% d’entre eux, le «non» a été dicté par des raisons de sécurité, pour 5% par le coût économique du plan, pour 7% par les positions prises par le président de Chypre, et pour 13% par le désir de «vivre séparément» des Chypriotes Turcs. Les Chypriotes Grecs se rangent donc à 77% en faveur de la réunification de Chypre, et plus précisément sous un système de fédération qui attribuerait à la minorité chypriote turque des droits bien plus nombreux que ceux que garantit un État démocratique fédéral classique.
Les questions de sécurité se concentrent sur : a) le constat que le plan Anan ne prévoit rien pour la conformité de la Turquie à ce plan (retrait des troupes d’occupation, restitution de territoires, départ d’une partie des colons, etc.), et en particulier, b) le fait qu’il soit réservé à l’État chypriote un statut de protectorat en vertu duquel les puissances protectrices maintiendront en permanence des troupes sur son territoire et conserveront un droit illimité d’intervention (politique et militaire). Le système politique de Chypre introduit des dérogations importantes au principe de la fédération pour s’harmoniser au statut de protection. À cet effet, il est placé sous la tutelle d’un pouvoir suprême «judiciaire» et, essentiellement, politique, nommé de l’extérieur. Ces dérogations lui confèrent un caractère à la fois profondément anti-démocratique et difficilement opérationnel. Au fond, l’application du plan Anan est placée sous la condition de l’acceptation du processus d’intégration de la Turquie, alors que l’existence même de l’État chypriote dépend des priorités stratégiques de celle-ci.
2. Ces réserves des Chypriotes Grecs soulèvent un problème majeur pour l’Union européenne. En effet, avec ce plan, l’Union contiendra en son sein non pas un État membre indépendant mais un protectorat dont la volonté politique et l’existence dépendront au fond d’un État tiers, non membre de l’Union. Dans le meilleur des cas, la Turquie pensera pouvoir influer sur les décisions de l’Union. Or, songe-t-on à ce que signifie le maintien d’une armée d’occupation sur le sol européen, ou de troupes d’un pays tiers qui garantiront l’existence et le système politique d’un État membre de l’Union ? Comment Bruxelles réagirait-elle finalement à l’exercice d’un droit d’intervention (politique et militaire) à l’intérieur de l’Union européenne, et cela par un pays non membre de l’Union ? Avec le plan Anan, l’Union européenne accepte que ses décisions ne soient pas appliquées sur une partie de son territoire. Je ne parle pas ici des dispositions transitoires mais de celles qui exceptent de manière permanente Chypre de l’acquis européen. Ainsi la Constitution et des décisions cruciales de l’Union européenne dont il sera jugé qu’elles sont contraires à l’accord ne s’appliqueront-elles pas sur le territoire de l’État chypriote, ni bien sûr la politique commune extérieure et de défense qui sera un jour décidée.
Autrement dit, les dispositions du plan Anan ne se contentent pas de ravaler l’État chypriote à un statut de protectorat : elles placent sur ce point l’Union européenne elle-même sous un statut de souveraineté limitée. En dernière analyse, le plan Anan a en point de mire la volonté d’une partie de l’opinion européenne d’approfondir le système de l’Union et, en un autre sens, porte clairement atteinte à sa culture démocratique.
3. Existe-t-il une solution? Certains parlent d’un divorce à l’amiable entre les deux communautés. Je suis d’avis qu’une telle décision risque d’ouvrir l’outre d’Éole en constituant un fâcheux précédent que pourraient avoir envie de suivre d’autres groupes ethniques au sein de l’Union européenne, menaçant ainsi les fondements de l’État nation sur lesquels repose le système européen. Parallèlement, un accord de réunification de Chypre pourrait servir de modèle de coexistence à des peuples dotés d’identités et de religions différentes.
En ce sens, il faut : a) que soient retirées du plan Anan toutes les dispositions qui placent l’État chypriote et à travers elle l’Union européenne sous un statut de protection et qui hypothèquent à long terme la cohésion, l’évolution institutionnelle et la libre souveraineté de l’Europe sur son territoire ; b) que l’Union européenne entre elle-même (seule ou en collaboration avec l’ONU et éventuellement l’OTAN) dans le système de garanties (politiques et militaires) concernant l’application de l’accord, la protection des deux communautés et, au-delà, le fonctionnement sans entraves du système de l’État chypriote ; c) dans ce cadre, qu’il soit prévu que le système politique de Chypre sera harmonisé à l’acquis communautaire et devienne fonctionnel, afin de favoriser la convergence et éviter les tensions. Il est tout à fait licite et juste de prévoir des dérogations transitoires par rapport à l’acquis communautaire pour renforcer le passage en douceur des territoires occupés au nouvel environnement, dans des conditions de sécurité surtout pour la communauté chypriote turque. Cette protection de la communauté chypriote turque peut être obtenue non pas en transformant une partie du territoire européen en protectorat, mais par l’intégration de l’État chypriote (et de ses États fédéraux) en partie intégrale de l’Union. Or, au fond, le plan Anan protège plutôt les visés stratégiques de la Turquie et des anglo-saxons que les intérêts des chypriotes turcs. Et ceci en hypothéquant l’avenir de l’Europe.
À l’heure actuelle, l’Union européenne est appelée à prendre des décisions graves qui, à l’occasion du problème chypriote, confirmeront sa volonté de ne pas faire dépendre sa souveraineté politique et l’approfondissement de son système politique de facteurs extérieurs à l’Union. En cela, la solution qui sera donnée au problème de Chypre sera un test utile face à la question de savoir «quelle Europe nous voulons», pour ce qui concerne notamment le choix d’une Europe fédérale.

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